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MÉTIERS

24 heures avec Sylvie Gomez, libraire

11 juillet 2017 | Mise à jour le 17 juillet 2017
Par | Photo(s) : Anna Solé
24 heures avec Sylvie Gomez, libraire

Elle travaille depuis seize ans à la librairie Folies d'encre de Saint-Ouen (93). Professionnelle engagée, elle exerce avec curiosité et passion ce métier résolument ouvert sur le monde.

La porte est grande ouverte, ici on entre comme chez soi. Au sol, les derniers cartons de retours s'empilent dans l'attente d'être emportés par un coursier. Il flotte en cette fin de juillet un air de vacances à Folies d'encre, petite librairie de quartier située au cœur de Saint-Ouen (93). Au fond de la pièce, assis sur des tabourets, Sylvie et son associé Claude échangent avec une représentante des éditeurs – d'autres défileront dans la journée – venue leur présenter les nouveautés à paraître. « Ça, c'est pointu, je ne sais pas si vous le vendrez », hésite la VRP. Le catalogue défile, Sylvie y pioche les ouvrages qui viendront garnir ses rayons à la rentrée. « On a noué une relation de confiance. Le but n'est pas de nous pousser à acheter mais que les livres atterrissent dans la bonne librairie. » La représentante la quitte en lui claquant la bise, lâchant en guise d'au revoir : « Il faut les défen­dre, les libraires ! » Impliqué dans la vie du quartier, le duo s'est installé il y a seize ans, comblant un vide. « On a fait le pari de dire que les gens de Saint-Ouen lisaient. Et on a très vite fidélisé une clientèle venue de tous les milieux. »

Les gens imaginent qu'on passe notre temps dans un fauteuil à lire, mais c'est un métier physique qui demande beaucoup d'engagement.Sylvie Gomez
La loi Lang est entrée en vigueur le 1er janvier 1982. Elle instaure un système du prix unique du livre en France quel que soit le détaillant (grande surface, maison de la presse, grossiste, librairie traditionnelle ou en ligne). Seul un rabais de 5 % maximum est autorisé. Cette loi est basée sur le refus de considérer le livre comme un banal produit marchand ne répondant qu'aux exigences de rentabilité. Elle préserve les réseaux des libraires indépendants et la diversité des œuvres originales.

Sur les étals de cette librairie indépendante, qui fonctionne comme une Scop, on trouve aussi bien le dernier Emmanuel Carrère que la réédition des Prolos, de Louis Oury. « Ici, c'est vrai, on ne met pas Marc Levy en avant sur les tables. C'est important la curiosité, l'ouverture d'esprit pour ce métier », fait valoir Sylvie. En 2004, un centre Leclerc a ouvert à deux pas. « On a failli y laisser notre peau, se souvient-elle. Les gens pensent encore que c'est moins cher en grande surface, ils oublient la politique du prix unique. Mais c'est fort un livre, ça reflète le monde dans lequel on vit, ce n'est pas un produit comme un autre. Ici, on donne des conseils tout le temps. » Une dame qui souhaite « un petit islandais » se laisse justement guider par la libraire dans le rayon polar. Un jeune adolescent entre à son tour et s'installe dans l'espace jeunesse pour y dévorer une bande dessinée. « On a voulu créer un espace convivial. Tous les soirs, sa mère le retrouve assis là », rit Sylvie.

Ouverte sur la vie de Saint-Ouen, la librairie organise de nombreux événements, tels que le Festival du polar ou le Jury des lycéens. « Être libraire, ce n'est pas seulement lire, c'est une alchimie : on crée du lien social, on impulse du débat d'idée, on lutte contre les préjugés », conclut-elle. Dimanche, l'équipe réalisera l'inventaire avant de plier boutique pour les vacances. Des livres plein les valises.

 

Article paru dans Ensemble ! de septembre 2017