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SANTÉ

Psychiatrie : sortir de la pénurie

26 octobre 2017 | Mise à jour le 26 octobre 2017
Par | Photo(s) : Amélie Benoist / BSIP
Psychiatrie : sortir de la pénurie

La CGT appelait le 26 septembre à une journée de débats et de mobilisation dans la psychiatrie, malade de l'austérité budgétaire. Pour remettre l'humain au cœur des débats et des pratiques.

« On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses fous», rappelait le psychiatre Lucien Bonnafé, l'un des artisans de la politique de « secteur » en psychiatrie en France, dès la Libération. Depuis plusieurs années déjà, à l'instar de toute la santé publique, la psychiatrie est en souffrance. Austérité budgétaire présentée comme impérative, climat sécuritaire, injonctions à substituer des protocoles « normalisés » à des soins souvent longs, complexes, adaptés à chaque patient considéré comme une personne : patients et soignants sont de plus en plus confrontés à des politiques financières et idéologiques mettant en cause l'efficacité, sinon la nature même du soin psychiatrique. En appelant à la mobilisation le 26 septembre dernier, en revendiquant une nouvelle fois une grande loi d'orientation pour la psychiatrie, la fédération CGT de la santé et de l'action sociale voulait, aussi, remettre l'humain au centre du débat.

Quand les murs tombent

Prévention, soin, postcure : élaborée après la dernière guerre et mise en œuvre dans les années suivantes, la politique de secteur permet une approche globale des soins dont l'hôpital n'est qu'une étape et le centre médico-psychologique le pivot. La psychiatrie se pense ainsi dans et hors les murs de l'hôpital, dans une relation continue du patient avec la même équipe soignante, au plus près de son lieu de vie, aux antipodes de décennies d'exclusion et de réclusion. On doit à quelques psychiatres de la génération de Lucien Bonnafé, atterrés par les horreurs de la guerre et l'extermination de ceux que les nazis considéraient comme les rebuts de la société, d'avoir remis l'être humain et ses droits au cœur de leur réflexion et de leurs pratiques.

«La psychiatrie de secteur est ainsi très moderne, la majeure partie des soins se fait en extra-hospitalier», commente Philippe Burgaud Grimart, infirmier psychiatrique en Vendée et responsable CGT. «Elle permet d'amener au plus près des citoyens les soins les plus adaptés à leur situation. Mais cette politique est aujourd'hui, et depuis des années, dramatiquement mise à mal.»

Comme toute la santé publique, la psychiatrie est en effet soumise à une austérité budgétaire accrue. Fusions de structures, suppressions d'unités ainsi que de milliers de lits dans les hôpitaux et de postes, ou même de centres médico-psychopédagogiques, restrictions drastiques de moyens à l'hôpital de jour… tout le système est touché. La pédopsychiatrie est gravement atteinte par ces politiques, et l'on voit des enfants hospitalisés dans des services d'adultes, souvent enfermés dans leur chambre par mesure de protection.

Dès lors, le temps d'attente pour obtenir un traitement augmente, la durée d'hospitalisation se réduit quels que soient les besoins des patients, trop souvent orientés vers le médico-social. Nombre de malades se retrouvent même en prison ou sont condamnés à la rue et à la solitude. Les équipes pluridisciplinaires subissent un véritable morcellement, à l'instar des lieux de soins, au détriment d'une continuité relationnelle indispensable à la confiance que les traitements requièrent. Avec les réductions d'effectifs, le temps – pourtant indispensable au soin psychiatrique – manque lui aussi.

En dépit d'une hausse constante des besoins, en particulier en période de crise, les aires géographiques des secteurs s'élargissent, les disparités régionales s'accroissent, les territoires ruraux se désertifient.

L'amalgame sécuritaire

S'y ajoute la remise en cause des pratiques professionnelles elles-mêmes, avec la mise en place de protocoles standardisés et dépersonnalisants, de classification et de « codage » des symptômes : «On devrait cocher des cases, dénonce Jean-Claude Marais, infirmier psychiatrique à Fleury-les-Aubrais (Loiret), alors qu'un patient est une personne qui ne saurait se résumer à ses symptômes.» Et se font (ou se refont) jour des pratiques comportementalistes qui visent à « éduquer », sinon à « dresser », plutôt qu'à soigner. Cette normalisation s'inscrit dans une vision sécuritaire de la psychiatrie, remettant à l'ordre du jour le dangereux amalgame entre troubles mentaux et dangerosité, voire entre malades et terroristes.

À la souffrance des patients s'ajoute celle, massive, des soignants, qu'il s'agisse de leurs conditions de travail ou de l'exercice même de leurs missions.

Un choix de société

C'est dans ce contexte que la « commission nationale psychiatrie » de la CGT revendique la mise en place d'une grande loi d'orientation. Il s'agit de donner à la psychiatrie les moyens de répondre aux besoins de la population, de reconnaître les soignants et leurs qualifications, de remettre en place des formations pour les médecins, psychologues, infirmiers… Un choix de société, démocratique et solidaire.