À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
AFRIQUE

« Au Congo-Kinshasa, la grève est considérée comme un soulèvement »

14 mars 2018 | Mise à jour le 16 mars 2018
Par | Photo(s) : Patrick Chesnet
« Au Congo-Kinshasa, la grève est considérée comme un soulèvement »

De gauche à droite Guy Kuku, président de la Confédération démocratique du travail, Galixte Mdolo, assistant de Guy Kuku et Jacques Kinyamba, secrétaire général solidarité ouvrière et paysanne.

Deuxième volet de notre série consacré à la République démocratique du Congo. Depuis le 8 mars dernier, une délégation de syndicalistes est reçue par la CGT. Une première pour ces Congolais qui peuvent ainsi partager leurs expériences sur le terrain. Rencontre avec Guy Kuku, président de la Confédération démocratique du travail, et Jacques Kinyamba, secrétaire général de Solidarité ouvrière et paysanne.
Qu'en est-il des syndicats et du syndicalisme en RDC ?

Guy Kuku. Nous avons environ cinq cents organisations syndicales, professionnelles ou interprofessionnelles, sur le plan national, ce qui veut dire environ deux millions d'affiliés, toutes confédérations confondues. Les douze organisations les plus représentatives se sont regroupées dans une plate-forme, l'Intersyndicale nationale du Congo, afin de poursuivre ensemble les objectifs communs et exercer des pressions sur le gouvernement pour les questions qui demandent des réformes ou des évolutions rapides.

Quelles sont ces questions ?
Devant le refus de Kabila de céder le pouvoir au terme d'un second mandat, limite constitutionnelle, en décembre 2016 et les manifestations qui s'ensuivirent, un gouvernement de coalition majorité/opposition a été formé. En attendant des élections annoncées pour décembre 2018

G.K. La première, c'est le Smic. Nous l'avons négocié en septembre et octobre derniers et il devait entrer en application en janvier. Malheureusement, le gouvernement ne l'a pas encore acté. Le premier ministre a demandé un sursis en raison du contexte politique, et nous attendons. Le deuxième point concerne la protection sociale. Notre système est obsolète. Sa gestion est confiée non pas à des travailleurs ni à des employeurs, mais à des politiques, et c'est une catastrophe. Le troisième aspect, très préoccupant, est celui des élections politiques. Le président de la République est à la fin de son dernier mandat constitutionnel et, cette année, il doit y avoir des élections à tous les niveaux, présidentiel, législatif et local.

Jacques Kinyamba. Nous avons également un problème de non-paiement des salaires. Dans presque 80 % des entreprises, les travailleurs ne sont pas payés et, quand ils le sont, cela ne leur permet pas de vivre. Les mandataires nommés par le gouvernement à la tête des entreprises publiques, dont la mauvaise gestion est caractérisée, restent impunis. Ils ponctionnent l'argent produit par les travailleurs pour les utiliser à des fins politiciennes. Il y a aussi des licenciements massifs ou la révocation de ceux qui revendiquent.

Les syndicalistes sont-ils menacés ?

G.K. Nous faisons partie des acteurs de la société civile qui contestent certains actes du gouvernement, et cela gêne beaucoup. Il ne faut surtout pas « ternir » l'image du gouvernement ou des institutions. Par exemple, le fait de grève est considéré comme un soulèvement de la population. Les services de renseignement sont donc tout le temps en train de nous filer. Les menaces de révocation, les révocations effectives sont quotidiennes. Des délégués sont arrêtés, emprisonnés. Il y a des exécutions sommaires.

Quel rôle jouent la France et les entreprises françaises en RDC ?

G.K. La France n'y a officiellement aucun rôle, mais elle y a un intérêt géopolitique. Elle possède des bases militaires en Afrique et cela a un effet dissuasif sur le continent. Les dictateurs africains qui ont de bonnes relations avec la France ont l'appui de celle-ci. Et pour avoir ces bonnes relations, il suffit que les pots-de-vin circulent. D'autre part, une entreprise comme Bolloré, qui a des marchés dans toute l'Afrique, influe aussi sur la politique africaine du gouvernement français en fonction de ses intérêts. C'est comme cela que Bolloré est devenu un roi et un faiseur de roi en Afrique.

J.K. Partout où Bolloré passe, il y a des licenciements. Il parle de créations d'emplois mais dégraisse, crée du chômage. Voilà l'image que nous avons de lui en Afrique.

Qu'attendez-vous de vos rencontres avec la CGT en France ?

G.K. Nous connaissions la CGT mais n'étions pas vraiment en contact. Avec cette visite, il y a une ouverture qui s'est créée, un échange de coopération et d'expériences que nous voulons plus régulier. Afin de trouver des points communs sur des questions liées au monde du travail à travers le monde et de constituer des groupes de travail, de réflexion, face à ces enjeux mondiaux, face aux nouveaux problèmes qui se posent pour la défense des intérêts des travailleurs, l'interaction entre les syndicats est nécessaire pour agir ensemble et obtenir des résultats.

J.K. Le soutien de la CGT nous réconforte et renforce notre détermination d'aller jusqu'au bout. Dans un contexte comme le nôtre, c'est vraiment important.