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MÉDIAS

Les accidentés du travail, ces morts inconnus…

12 juin 2019 | Mise à jour le 12 juin 2019
Par | Photo(s) : Joncrel/Flickr
Les accidentés du travail, ces morts inconnus…

Rarement à la Une des journaux, les accidents de travail font plusieurs centaines de milliers de victimes, tuent des centaines de personnes chaque année en France. Dans une indifférence quasi généralisée…

« Depuis le 1er janvier, j'ai recensé 380 accidents du travail graves, dont un petit peu plus de 140 mortels », annonce Matthieu Lépine. Autant de vies, de familles brisées, le plus souvent anonymes, que ce professeur d'histoire-géo dans un collège de Montreuil, en banlieue parisienne, a décidé de sortir de l'oubli général en publiant régulièrement la liste des nouvelles victimes sur un compte Twitter.

Un geste en réaction aux propos d'un certain Emmanuel Macron qui, en 2016, alors qu'il était ministre de l'Économie, déclarait que « La vie d'un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d'un salarié. Il peut tout perdre, lui ». « J'ai commencé à faire des recherches sur les accidents du travail sur Internet et j'ai débuté ce recensement », explique Matthieu. « L'objectif, c'est de mettre en avant un sujet complètement à la marge dans le débat public qui intéresse peu les médias et les politiques. »

Des chiffres toujours élevés

Une piqure de rappel nécessaire alors que les chiffres sont plus que parlants. L'Assurance maladie comptabilisait ainsi, pour l'année 2017, 632 918 accidents du travail, dont 530 mortels. « Il y a eu une évolution dans les accidents du travail avec les nouvelles formes de travail liées à l'ubérisation, l'intérim, où le nombre d'accidents se multiplie, pareil chez les auto entrepreneurs ou dans le secteur des services à la personne », constate l'enseignant. « Même si les ouvriers, du BTP ou autres, les routiers et les agriculteurs représentent encore l'écrasante majorité de ces accidents. »

Un constat plus que partagé par Jean-Pascal François, de la CGT Construction, bois et ameublement. « Un mort par jour travaillé et un accident du travail toutes les cinq minutes dans les métiers du BTP ! Voilà ce que l'on dit à la Fédération », ironise ce syndicaliste dont les exemples, ouvriers « décapité par une poutrelle, écrasé par une niveleuse ou chutant d'échafaudages », traduisent la crue réalité. « Il n'y a pas de fatalité dans ce métier, il y a un manque de formation sur la sécurité des travailleurs, peut-être, mais aussi les cadences ou le rallongement des journées de travail », constate-t-il. Et pas que.

Un choix financier et politique

« Quand tu as Vinci qui fait 2 milliards de résultats nets et que tu vois qu'il y a des accidents mortels sur ces chantiers, tu te demandes s'il n'y a quand même pas la possibilité d'investir un peu plus dans la sécurité plutôt que faire de la capitalisation boursière et de l'externalisation de tâches. » Externalisation qui, avec son cortège de sous-traitants qui peuvent se superposer sur parfois une dizaine de niveaux, semble souvent peu regardante sur la question. « Les accidents du travail ne sont pas ou sous déclarés, les gens sont invités à aller se soigner chez eux », accuse Jean-Pascal.

Quant à savoir si, côté gouvernemental, le sujet est réellement pris au sérieux, le détricotage des CHSCT, la réduction du nombre de médecins ou d'inspecteurs du travail nous donne quelques indications.