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CONDITIONS DE TRAVAIL

[MàJ] À la MAS de Bonneuil, « il se passe quelque chose de grave… »

24 octobre 2017 | Mise à jour le 25 octobre 2017
Par | Photo(s) : Bapoushoo
[MàJ] À la MAS de Bonneuil, « il se passe quelque chose de grave… »

À bout de nerf en raison de la pénurie de moyens, les personnels soignants de la MAS de Bonneuil-sur-Marne sont entrés en grève. Et pas près de reprendre le travail sans avoir obtenu satisfaction de leur principale revendication : la création de postes. Un bras de fer avec la direction qui met les autorités publiques face à leurs responsabilités.

Ils et elles ont voté la grève totale et reconductible le 20 octobre. Depuis, ils font le siège devant la MAS de Bonneuil-sur-Marne (94), jour et nuit, et se disent déterminés à poursuivre conflit jusqu'à être entendus de leur direction. Ils et elles, sont les personnels soignants (médecins, infirmiers, aides-soignants) spécialisés dans la prise en charge médicale de personnes porteuses de handicaps lourds, résidents de la MAS de Bonneuil. Ils et elles réclament plus de postes pour faire leur travail dignement.

Assumer des responsabilités professionnelles qui touchent à la santé et au soin de personnes particulièrement vulnérables et décider de cesser le travail, cela ne va pas de soi. « Dans ce secteur professionnel, se mettre en grève n'est ni simple ni anodin, et surtout pas la coutume. En arriver là, c'est le signe qu'il se passe quelque chose de grave », estime Franck Bothier — secrétaire de l'union locale CGT de Bonneuil — qui, depuis le 20 octobre, assure l'approvisionnement en vivres et le soutien syndical et solidaire aux grévistes. Il n'est pas le seul : une large majorité des familles des résidents de la MAS de Bonneuil approuvent et soutiennent la lutte des personnels contre la direction de l'APAJH94, l'association qui regroupe diverses MAS du Val-de-Marne, dont celle de Bonneuil.

Le piège du mépris

Depuis le début du conflit, la direction a opté pour la politique de l'autruche. Lorsqu'elle se résigne à répondre aux salariés, « c'est systématiquement sur le ton du mépris vis-à-vis de leurs revendications », assurent les grévistes. Celles-ci ne sont pourtant ni récentes ni banales : outre la compression continuelle des effectifs soignants, la direction de la MAS a poursuivi, en l'accentuant, une politique d'économies drastiques qui se traduit par l'abaissement continuel de tous les moyens matériels et de fonctionnement. Cela va des produits d'hygiène et sanitaires aux gants de protection, du papier toilette aux couches-culottes, en passant par la qualité et la quantité de nourriture, etc. Fatalement, cette politique d'austérité a fini par aboutir aujourd'hui au stade de l'indigence généralisée qui frappe de plein fouet aussi bien les personnels que les résidents.

L'Agence régionale de santé à la rescousse

La goutte qui a fait déborder le vase ? Le manque chronique de lingerie qui s'est considérablement aggravé depuis que la direction, toute à ses économies, a décidé d'externaliser l'activité de blanchisserie vers la sous-traitance. Aux plaintes et demandes récurrentes présentées par les personnels, la direction aurait fini par rétorquer un « Démerdez-vous ! » Depuis, à la MAS de Bonneuil c'est le « bordel », pour reprendre le mot censément « familier » du Président de la République. À tel point que, pour briser la grève et s'éviter le dialogue social, le directeur de l'APAJH 94 a pris coup sur coup deux initiatives désastreuses. D'abord, celle de faire intervenir la police pour évacuer les grévistes qui siègent 24/24 h devant l'établissement. Ensuite, celle de faire intervenir la police pour, cette fois-ci, faire entrer les intérimaires et vacataires recrutés en urgence en remplacement des grévistes qui leur faisaient barrage.

Résultat : non seulement le mouvement de lutte s'est durci, mais l'Agence régionale de santé (ARS) a été contrainte de parer à l'urgence et organiser, dès samedi 21 octobre, le transfert des résidents vers d'autres hôpitaux publics et structures de santé du département. Un bal d'ambulances toutes sirènes déployées a marqué le deuxième jour de grève des salariés de la MAS, qui, le cœur serré, mais plus que jamais déterminés à obtenir satisfaction de leurs revendications, exigent un dialogue social avec la direction. « Il faut à présent que l'ARS reprenne la main, qu'elle examine les revendications des salariés qui portent sur les conditions d'accueil et de soin des résidents et sur l'amélioration des conditions de travail des personnels soignants », plaide pour sa part l'USD — Santé-CGT 94. Ce que l'ARS s'est résignée à faire lorsqu'elle s'est trouvée confrontée à l'impossibilité d'assurer les transferts des patients de la MAS, faute de lits disponibles dans les autres structures du département.

0,2 soignant par résident

Au quatrième jour de grève, ce mardi 24 octobre, la direction de la MAS a fini par convoquer les syndicats pour « préparer des négociations », mais sans pour autant renoncer d'emblée aux hostilités « Après le traditionnel couplet sur la prise en otage des résidents, nous avons obtenu des engagements sur les moyens matériels et sanitaires, mais ça bloque toujours s'agissant des recrutements de personnels soignants supplémentaires », indique Barbara Filhol (USD-Santé CGT 94). C'est pourtant là où le bât blesse. À la MAS de Bonneuil, il y a 0,20 soignant par résident, un ratio très en dessous des normes de sécurité que la direction justifie par l'argument de la baisse des dotations de l'État.

Argument éculé, clé de voûte des politiques d'austérité appliquées au secteur de la santé publique, la baisse des dotations risque d'être jugée irrecevable par les syndicats qui, depuis des années, n'ont eu cesse de la dénoncer. Au tour des directions d'établissement et de l'Agence Régionale de Santé, à présent, de prendre toutes leurs responsabilités. Face à l'urgence qui frappe les résidents de la MAS Bonneuil, la direction de l'APAJH 94 a bien été contrainte de rechercher une solution de sortie de conflit. Mais sans garantie de gagner leur principale revendication — le recrutement d'au moins huit aides-soignants — les grévistes restent déterminés à poursuivre la grève.

 

> Mise à jour le 25 octobre

Pied de nez du Préfet aux réclamations des salariés grévistes de la MAS de Bonneuil. Mardi soir, au terme de la 4e journée de grève des personnels soignants, le préfet du Val-de-Marne prenait la décision de réquisitionner les grévistes, et de briser la grève. Un choix politique, « car la réquisition est illégale », affirme l'USD CGT 94. Si tel est bien le cas, cette décision risque d'aggraver les tensions qu'il s'agissait d'apaiser, entre les salariés et la direction de l'APAJH4. Et de fait, vécue comme une provocation supplémentaire, la réquisition ne passe pas.

Pire, elle incite les personnels en grève et leurs syndicats à riposter vigoureusement et à durcir le conflit. Du côté de la CGT, les services d'un avocat ont été sollicités afin d'examiner les possibilités d'un recours au tribunal administratif pour faire annuler l'arrêté préfectoral. Plus excédés encore qu'au moment de leur mise en grève, les personnels, eux, préparent la résistance. Pour les soutenir, l'USD CGT 94 organisait, ce matin, un rassemblement devant le siège de l'APAJH 94, à Créteil, suivi d'une manifestation jusqu'à l'ARS. Tous les syndicats de la santé et de l'action sociale du département étaient appelés à y participer massivement. Le bras de fer, hier encore en faveur des salariés, ne doit pas flancher sous le coup d'un arrêté préfectoral jugé inique, et peut-être même illégal.