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TRANSPORTS

Amer anniversaire pour la SNCF

31 août 2017 | Mise à jour le 31 août 2017
Par | Photo(s) : Gilles Rolle / REA
Amer anniversaire pour la SNCF

80 ans après sa création, la SNCF est devenue une entreprise qui privilégie la rentabilité. Les enjeux écologiques, sociaux et territoriaux actuels rendent pourtant nécessaire une autre politique des transports qui s'appuierait sur un vrai service public ferroviaire. Entretien avec Thierry Nier, secrétaire général adjoint des cheminots CGT.

Thierry Nier, Cheminot CGT

Thierry Nier, secrétaire général adjoint des cheminots CGT    © Bapoushoo

La SNCF fête ses 80 ans, qu'est-ce que cela vous évoque ?

La célébration de l'anniversaire en tant que tel ne nous enthousiasme pas beaucoup. En revanche, nous restons très attachés à la notion de service public qui était au cœur de sa création et sommes intéressés par les enjeux auxquels la SNCF est confrontée aujourd'hui.

Quels sont-ils ?

Par exemple, les assises sur la mobilité que le gouvernement souhaite tenir d'ici peu et auxquelles les organisations syndicales ne sont pas invitées à l'heure qu'il est. D'autres acteurs seront présents comme des élus, des associations d'usagers triées sur le volet… Cela ne nous empêchera pas de faire nos contributions sur notre conception du service public et en quoi on pourrait l'améliorer. Mais la stratégie est claire : il y aura ceux qui sont rentrés dans le rang et qui vont affirmer, de façon partisane, la nécessité d'une loi très encadrée pour permettre l'ouverture à la concurrence dans des bonnes conditions, et puis nous, qui posons d'abord la question : « est-ce que l'ouverture à la concurrence va permettre de régler le problème du ferroviaire aujourd'hui ? » La CGT ne le pense pas et s'appuie sur la réalité de plusieurs secteurs d'activité, télécommunications, énergie, etc. qui ont déjà connu l'ouverture à la concurrence sans aucune amélioration de la qualité du service rendu ni sur des tarifs, au contraire.

L'autre réalité plus proche de nous, c'est l'exemple du transport de marchandises. La libéralisation du fret est une catastrophe : il aboutit à plus de 100 000 camions sur les routes par an et un pourcentage de trafic ferroviaire en baisse. Dans la foulée, il y a bien sûr le projet de loi prévu en 2018 qui pourrait acter l'ouverture à la concurrence. Voilà pour l'heure les sujets qui nous préoccupent.

Les défendeurs de la libéralisation du ferroviaire invoquent l'exigence de rentabilité…
L'enquête de la NVO de septembre Transport, la loi du marché

Eux veulent faire de l'argent avec la SNCF. Nous répétons que c'est un service public. La SNCF n'a pas plus vocation à être rentable qu'à être déficitaire. La rentabilité, ici, serait celle du service rendu réellement. C'est la capacité qu'on donne aux entreprises, aux chargeurs, etc. de pouvoir transporter des tonnes de matériel dans de bonnes conditions. Mais, cela s'appelle de la qualité. Sur le registre de la rentabilité, on trouvera toujours des segments non rentables. D'ailleurs, le même discours est asséné sur le transport des voyageurs, ce qui explique des fermetures de lignes. On sait que des pans entiers du territoire sont délaissés alors que dans le même temps, des moyens pourraient être alloués de façon beaucoup plus équilibrée pour permettre à l'ensemble des régions d'avoir un maillage cohérent. C'est valable pour le service public SNCF, mais aussi pour tous les autres. Voilà les notions que nous souhaitons instaurer dans le débat.

Que faites-vous pour cela ?

Plusieurs choses. La confédération lance un livret sur la relance et le développement des services publics. C'est une démarche pédagogique intéressante. Il y a besoin que chacun se réapproprie la notion des services publics dans leur pluralité : éducation nationale, santé, transports, énergie, administrations, etc.

La nouvelle présidence d'Emmanuel Macron pourrait-elle impulser une nouvelle politique des transports plus respectueuse des enjeux sociaux, écologiques et territoriaux ?

À l'heure actuelle, je ne le crois pas. Les annonces faites sur les économies à réaliser dans les collectivités par exemple sont inquiétantes. Non seulement l'État se désengage, mais les régions, avec lesquelles le service public ferroviaire fonctionne déjà étroitement en tant qu'autorité organisatrice des transports, vont être extrêmement sollicitées. Or, on ne peut pas demander aux régions de financer les services qu'il y a sur leur territoire et en même temps financer une partie des infrastructures nationales. Certaines le font déjà et cela préfigure de grandes disparités parmi les territoires. C'est inacceptable. La continuité du service public serait rompue. C'est ce combat que mène la CGT sur le terrain au quotidien.

Quelles sont les prochaines initiatives prévues ?

En interne, nous voulons continuer à expliquer aux cheminots nos propositions alternatives sur les conditions sociales, mais aussi plus largement sur l'évolution de l'entreprise, sur une organisation de la production qui permette à tous les cheminots de mieux travailler ensemble, etc. Et de sortir de cette situation d'isolement dans laquelle le gouvernement et la direction de la SNCF tentent de nous confiner.

Sur le plan national, au-delà du calendrier interprofessionnel axé sur la mobilisation contre la loi Travail, nous lançons du 18 au 22 septembre la diffusion d'un 24 pages — type 20 Minutes — tiré à 500 000 exemplaires. Il sera gratuitement distribué partout en France avec la vocation d'expliquer l'organisation de la production dans le secteur ferroviaire, l'impact des directives européennes sur les choix des États membres, les métiers de la SNCF, l'ouverture à la concurrence qui n'apportera pas les solutions promises, etc. L'idée est de nous adresser aux usagers, aux élus politiques locaux, etc. Il y a déjà des luttes convergentes. Il faut les développer à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur de l'entreprise ; car les cheminots sont les premiers concernés et à double titre.

Dans la foulée, nous organisons un forum national des associations d'usagers avec une centaine de structures, le 5 octobre, à Paris, au théâtre Traversière. Il s'agit d'élaborer des convergences d'intérêts, mais aussi d'expliquer que ce n'est pas un sujet réservé aux cheminots qui défendraient leur pré carré. Notre statut a effectivement une vocation particulière de service public, mais il garantit aussi des gages de sécurité, de connaissances de l'environnement ferroviaire qui assurent la qualité du service rendu aux usagers. Or, un bon nombre d'entre eux ne croient pas à l'ouverture à la concurrence pour l'améliorer. Ensemble nous pourrions instaurer un rapport de force plus favorable à une voie alternative.