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Après le congrès de la CES, « passer du dire au faire »

29 mai 2019 | Mise à jour le 29 mai 2019
Par | Photo(s) : Bernard Rondeau / Photo Sociale
Après le congrès de la CES, « passer du dire au faire »

Le congrès de la CES qui s'est achevé le 24 mai dernier porte des objectifs revendicatifs ambitieux. Mais comment passer du « dire » au « faire » alors que le précédent mandat s'achève sur un bilan en demi-teinte aux yeux de la CGT ? Entretien avec Boris Plazzi, membre du bureau confédéral de la CGT.

Une délégation CGT a participé au congrès de la CES qui s'est déroulé du 20 au 24 mai 2019 à Vienne en Autriche, quel bilan en tire la CGT ?
Ce congrès a permis d'aborder l'ensemble des questions qui percutent aujourd'hui les syndicats européens. Si certaines organisations considèrent que nous en sommes sortis de la crise, d'autres, les plus nombreux estiment que c'est loin d'être le cas. La FGTB belge a beaucoup insisté sur le taux de chômage (7,8 % dans la zone euro, NDLR) et souligné que l'Europe comptait 25 millions d'enfants de pauvres… Beaucoup ont évoqué la réduction du temps de travail comme l'un des moyens de parvenir à combattre le chômage sur le continent. Ce thème s'est d'ailleurs invité singulièrement dans ce congrès, outre la question des migrants et des garanties collectives que nous avons également portée en tant que délégation CGT. Par ailleurs, beaucoup d'organisations considèrent, comme nous, que nous avons besoin d'une relance économique forte qui passe par une augmentation générale des salaires, notamment.

A-t-il d'ailleurs été question de la création d'un salaire minimum européen ?
Oui. Beaucoup d'interventions ont milité en sa faveur. La CES évoque même un salaire minimum équivalent à 60 % du salaire médian. Mais il faut être prudent sur ce calcul. En France, le salaire médian qui est plutôt bas s'élève à environ 1 750 euros nets, 60 % de ce montant, cela fait un Smic à 900 euros alors qu'il est aujourd'hui à environ 1 200 euros nets, on ne peut donc pas transposer ce calcul chez nous. Les pistes de travail restent donc encore à affiner même si nous sommes tous d'accord sur le principe. En tous cas, il y a une volonté de revendiquer plus fortement sur ce sujet, mais aussi de lutter contre le dumping social et la mise en concurrence entre travailleurs. La question des travailleurs détachés a bien évidemment été aussi à l'ordre du jour.

 

A ce sujet, quelle analyse porte la CES sur la révision de la directive sur les travailleurs détachés et qui consacre le principe du « à travail égal, salaire égal »?
Elle considère cette révision comme une avancée. Dans sa conception du syndicalisme, la CES verse plutôt dans la politique des petits pas. A chaque fois qu'on avance, on avance doucement… D'une manière globale, on peut estimer aussi à la CGT que l'on va dans le bon sens mais il faut aller à notre sens beaucoup plus loin, et aboutir à ce que la protection sociale, soit aussi payée de la même manière par les employeurs quel que soit le pays de travail. Cette question doit être l'objet d'une impulsion forte de la CES, et c'est ce que nous entendons porter à la CGT d'autant que la nouvelle mouture de la directive, comme l'ancienne d'ailleurs, viole les conventions 97 et 143 de l'Organisation Internationale du Travail sur les travailleurs migrants. Ces deux textes, interdisent tout traitement différencié du travailleur migrant par rapport au travailleur du pays de destination en matière de revenu de transfert et de protection sociale.

La CES peut être un bon outil mais si l'on ne s'en sert pas, il ne sert à rien

Les objectifs revendicatifs sont ambitieux pour la prochaine mandature. Mais cela était déjà le cas lors du dernier congrès de Paris qui s'est tenu en 2015, or le bilan a au final été insuffisant selon Philippe Martinez (lire notre interview du 21 mai). Dès lors, comment passer du dire au faire pour le prochain mandat ?
La CES peut être un bon outil mais si l'on ne s'en sert pas, il ne sert à rien, tout dépendra donc de l'investissement de la CGT dans la CES. Si on veut que la CES fasse ce qu'elle a décidé en congrès, il faudra que la CGT soit présente dans les instances de direction, dans les commissions …

C'est pourtant déjà le cas….
Oui mais peut-être faudra-t-il qu'elle le soit encore plus. Et pas seulement à l'échelle confédérale, la plupart des fédérations CGT sont affiliées à une organisation européenne elle-même affiliée à la CES, il faut par exemple que les fédérations CGT industrielles affiliées à Industriall Europe posent fortement la question du salaire minimum, de la négociation collective, de la RTT, etc.. Idem pour les fédérations de fonctionnaires, affiliées à EPSU (European Federation of Public Service Unions)… Partout, il faut rappeler ce qu'a porté le congrès de la CES. Il faut placer la nouvelle direction élue devant ses responsabilités. Les exigences portées au précédent Congrès de Paris n'ont pas assez été suivies d'effet, là il faut qu'elles le soient, y compris sur la question des mobilisations. On ne peut pas appeler à une manifestation seulement un mois avant un congrès, il faut d'autres moments de temps forts et de rassemblement à l'échelle européenne. Par ailleurs, un certain nombre d'organisations syndicales comme la CGIL italienne, la CGT portugaise, les CCOO et l'UGT espagnoles, la FGTB, même le DBG allemand ont porté les mêmes revendications que nous : salaires, programme d'investissement fort dans l'industrie et la recherche, défense des services publics etc.. Cela vaudrait le coup, qu'à la CGT, nous décidions d'avoir des contacts encore plus soutenus avec elles pour parler d'une seule voix, de travailler ensemble sur des contenus revendicatifs communs, et d'élaborer des interventions communes en réunion plutôt que d'égrener une par une les mêmes revendications…

 

Peut-on aussi partager des contenus revendicatifs communs avec les autres organisations françaises affiliées à la CES ?
Il peut y avoir des convergences avec les autres organisations françaises, comme FO qui est intervenue sur la question du climat ou la CFDT et l'Unsa qui ont déclaré que c'est rassemblé que le syndicalisme sera plus fort. On ne peut qu'être d'accord avec cette affirmation. Je n'ai en outre pas entendu les autres syndicats français contester la proposition d'un salaire minimum européen, ni non plus celle sur la RTT ou le renforcement de la négociation collective. Après, il y a ce qu'il se dit dans un congrès européen et les réalités à l'échelle nationale… Nous avons à la CGT considéré que les lois Travail étaient des attaques fortes contre la négociation collective, la CFDT n'a pas eu la même lecture que nous, c'est dommage mais FO si… Nous devons de toutes façons travailler sur nos points de convergence.

La majorité des organisations syndicales adhérentes à la CES disent et revendiquent la même chose que nous

Lors du congrès confédéral de Dijon, certaines voix se sont élevées pour questionner le sens de l'adhésion à la CES, que leur répondez-vous ?
Malgré un bilan que l'on juge insuffisant, notamment dans l'impulsion des contenus revendicatifs et des mobilisations, la majorité des organisations syndicales adhérentes à la CES disent et revendiquent la même chose que nous. Sortir de la CES, c'est donc accepter de se couper avec toutes les organisations syndicales avec lesquelles on travaille y compris dans les comités d'entreprises européens ou les comités de groupe européen. Nombre d'organisations comptent sur la CGT pour peser dans la CES. En partir serait affaiblir le syndicalisme européen. Au congrès de Vienne, pas mal d'entre elles sont venues nous voir pour dire qu'elles avaient suivi nos débats de Dijon en direct, elles ont assisté à la tenue de débats contradictoires, qu'elles ont apprécié d'ailleurs, mais toutes ont été rassurées de savoir que la CGT ne prend pas de distance avec la CES, bien au contraire.

Quid de la Fédération syndicale mondiale (FSM) dont il a été aussi question à Dijon ?
Attention au miroir aux alouettes, de quel bilan peut se targuer la FSM ? D'après ce que j'ai pu entendre au congrès de Dijon, la FSM serait pour certains l'alpha et l'oméga du syndicalisme international… Je suis plus dubitatif sur sa capacité de mobiliser et de peser efficacement pour défendre les droits des travailleurs ! Je n'ai par exemple vu aucune manifestation européenne à l'appel de la FSM, ni de syndicat en grève à l'appel de FSM… Ça c'est la forme. Sur le fond, la CGT a quitté cette organisation dans les années 90 car elle avait un fonctionnement de moins en moins démocratique et un rapport pas clair avec certain nombre de dictatures. Sur ce point, visiblement elle n'a pas évolué.

Cela dit, un amendement intégrant une référence à cette organisation a été adopté au congrès de la CGT
Il s'agit d'un simple ajout précisant que nous travaillons au plan bilatéral avec un grand nombre d'organisations syndicales qu'elles soient ou non membres de la CES, de la CSI et de la FSM. Cela est le cas depuis de nombreuses années et c'est normal. Du temps de notre affiliation à la FSM, nous avions des relations avec des organisations syndicales membres de la CISL (Confédération internationale des syndicats libres, NDLR) et de la CMT (confédération mondiale du travail, internationale syndicale chrétienne, NDLR) . Aujourd'hui, nous en avons bien évidemment avec des organisations membres de la FSM, comme Cuba ou le Vietnam qui étaient d'ailleurs présentes au 52ème congrès comme à tous les précédents.

 

Revenons à la CES, au premier jour du congrès, celle-ci a adressé un communiqué de remerciement à Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne, lequel est d'ailleurs intervenu à la tribune. Ce congrès a aussi vu l'élection de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT à la présidence de la CES…Tout cela n'est-il pas lourd de symboles pour des militants CGT ?

Les traditions ont la vie dure. Dans un congrès de ce type, est habituellement invité en effet le président de la Commission européenne et un certain nombre de dirigeants européens. Cela fait partie des traditions. Je n'y vois pas un signe plus qu'un autre même si j'aurais préféré avoir plus de temps à partager avec les congressistes plutôt que d'écouter M. Juncker. Quant à l'élection de Laurent Berger, il s'agit d'une présidente tournante pour une durée déterminée, et son rôle n'est pas exécutif. La CFDT est devenue le premier syndicat en France. Redevenons première organisation syndicale dans les secteur privé et public, et dans ces conditions, nous pourrons aussi légitimement revendiquer des postes.

Les partis nationalistes quels qu'ils soient sont les ennemis des travailleurs

Quel est votre sentiment sur les résultats des élections européennes ?

La montée de l'extrême droite est particulièrement grave et inquiétante. Un Rassemblement National à 23 % en France, ce n'est plus un vote contestataire, c'est un vote d'adhésion où l'on adhère à un programme nationaliste, avec beaucoup d'enfumage social autour. Il est de notre responsabilité, aujourd'hui, en tant que syndicalistes européens, de continuer à faire tomber les masques. Les partis nationalistes quels qu'ils soient sont les ennemis des travailleurs. En Autriche, l'extrême droite a mis en place la semaine de 60 heures, en Hongrie, il y a la loi dite « esclavagiste » sur les heures supplémentaires… En France, le RN n'est pas pour l'augmentation du Smic, la retraite à 60 ans ou le travail des femmes. A chaque fois qu'un travailleur vote pour un parti nationaliste, il vote contre ses propres intérêts de classe. Mais si ces partis progressent partout en Europe, c'est parce que les partis libéraux leur laissent cette possibilité-là.