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Le bal des mots dits : la qualité

2 août 2017 | Mise à jour le 17 juillet 2017
Par | Photo(s) : Babouse
Le bal des mots dits : la qualité

Derrière la « qualité » se cache un conflit grandissant entre le salarié et l'employeur. La logique financière a détourné le sens de ce mot, qu'elle détermine à partir d'indicatifs quantitatifs.

Travail de qualité ? Qualité totale ? Surqualité ? Au travail, derrière le mot qualité, se cristallise, dans l'ombre, un conflit grandissant. Pour les travailleurs, l'exigence de qualité, c'est faire du bon travail. C'est parce que le travail est source de création que les travailleurs prennent soin de faire un travail de qualité. Pour y arriver, ils investissent l'espace qui existe entre ce qu'on leur demande de faire et comment le faire, et la réalité de ce qu'ils font vraiment. C'est dans cet espace pour un travail de qualité qu'ils donnent du sens à leur travail et vivent leur humanité.

La logique financière a détourné cette notion de qualité. Elle la détermine à partir d'indicateurs quantitatifs qui visent à rendre compte, d'une façon ou d'une autre, de la rentabilité du capital. Si ce n'est pas une qualité visible, monnayable, elle est combattue par l'employeur, qualifiée – c'est un comble – de « surqualité ». L'exemple de la consigne donnée aux opérateurs d'un centre d'appels, chargés de dépanner par téléphone les clients ayant acheté le produit de l'entreprise, est significatif. Les conseillers doivent s'efforcer de passer d'une conception de la qualité correspondant à la satisfaction de chaque client, à celle du ratio entre la moyenne globale de satisfaction et le respect du temps alloué pour chaque appel.

Dans un service d'accueil des allocations familiales, comme dans bien d'autres services d'accueil, les salariés ont un écran qui affiche le décompte du temps passé pour chaque allocataire qu'ils reçoivent : un entretien ne doit pas dépasser 3 minutes. L'évaluation de la qualité de leur travail se fait sur leur capacité à limiter l'entretien à 3 minutes, quelle que soit la taille des problèmes. Alors que pour ces salariés, la qualité de leur travail est de régler le mieux possible chaque problème, même s'il est complexe, et non de l'expédier en 3 minutes.

Progressivement, le mot « qualité », s'éloignant toujours plus du travail bien fait, finit par signifier uniquement le respect total de la prescription, de la norme. C'est ce qu'a introduit le « lean management ». On en arrive à un paradoxe : c'est au moment où partout l'on parle de « qualité totale », que la qualité, du point de vue des travailleurs, se dégrade, à tel point qu'ils en sont parfois malades. Dans notre activité syndicale quotidienne, mettre en lumière ce conflit caché sur la qualité, prendre le parti du travail bien fait, peut devenir un levier considérable pour transformer le travail.