À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
FESTIVAL

Catherine Almeras, militante au festival de Cannes

20 mai 2017 | Mise à jour le 23 mai 2017
Par | Photo(s) : Anna Solé
Catherine Almeras, militante au festival de Cannes

C'est grâce à l'engagement de la CGT que le Festival de Cannes, né en 1946, fut pérennisé. La comédienne aura été de toutes les batailles, de la reconnaissance de droits pour les acteurs à la défense du statut des intermittents.

Une silhouette fluette, une poigne de fer et un visage souriant, Catherine Almeras est une petite femme vive qui porte allègrement ses 71 ans et a suivi un beau parcours militant avant d'occuper un fauteuil au conseil d'administration du festival. Elle ­débute sa carrière de comédienne en 1964, « dans la belle décentralisation théâtrale de l'époque ». Formée au cours Dullin, issue d'une famille de spectateurs du TNP (Théâtre national populaire), après à peine deux ans de cours, Catherine Almeras est engagée par la Comédie de l'Ouest (futur Centre dramatique national). « À l'époque, tout le monde ou presque était syndiqué au Syndicat français des acteurs [SFA-CGT]. On commençait le métier, et tout naturellement on se syndiquait au SFA. Je suis restée quelques ­années en province, passant d'une troupe à l'autre, j'étais peu à Paris, mais, lorsque j'avais l'occasion d'y venir, je participais aux ateliers des jeunes acteurs du SFA. » Assez vite, la jeune comédienne a l'envie de s'investir davantage dans le syndicat, mais manque de temps. « En mai 1968, je jouais à Paris lorsque tout s'est arrêté et je suis allée donner un coup de main au syndicat. Ce pouvait être faire des sandwiches ou des photocopies, j'étais alors bien loin du conseil syndical. J'étais un peu dans l'opposition, un peu gauchiste, mais c'était bien, ça remuait le syndicat. »

À la conquête des droits

À partir de 1968, l'engagement de Catherine Almeras s'affirme. Elle commence par de petits travaux, puis, en 1971, une amie comédienne qui s'occupe du secteur télévision au SFA lui pose cette question incongrue : « Sais-tu faire des règles de trois ? » Car l'ORTF d'alors paie les comédiens à la ligne ! « Ce qui était complètement ridicule car il y a des rôles très importants qui parlent peu. » Le SFA souhaite abolir ce système et envisage des catégories de rôles. Les réalisateurs CGT fournissent des plans de travail afin de faire des simulations et le calcul passe par des règles de trois. Finalement seront adoptés un minimum conventionnel et une négociation de gré à gré avec les productions. Bien que n'ayant quasiment pas travaillé pour la télévision, Catherine Almeras s'investit de plus en plus dans le syndicat. En 1976-1977, les acteurs de télévision s'engagent dans une très longue grève, car après l'éclatement de l'ORTF ils n'ont plus de protocole d'accord. De leur côté, les producteurs privés de télévision s'étaient constitués en syndicat et une négociation s'engage pour qu'une convention collective unique soit créée. Après trois mois de grève et beaucoup de difficultés (défection d'un syndicat autonome, listes noires), la convention collective est signée. Catherine Almeras, d'abord cooptée au conseil syndical du SFA, y sera élue, et l'a toujours été depuis lors.

Bien que pratiquant surtout le théâtre, Catherine Almeras milite dans le secteur de l'audiovisuel. « Dans nos métiers, il est d'ailleurs assez recommandé de militer dans un secteur où l'on ne travaille pas car on risque moins d'être blacklisté. J'ai donc commencé à m'occuper des secteurs télévision, radio, cinéma car on préparait la future loi sur la propriété intellectuelle des artistes, qui allait aboutir en 1985. Les conventions collectives prévoyaient déjà des cachets pour les droits de rediffusion, appelés les “utilisations secondaires”. » ­Catherine Almeras, investie dans les travaux parlementaires, appréhendera par la suite les questions internationales, d'abord au sein du groupe européen du Syndicat des artistes-interprètes, puis au niveau de la Fédération interna­tionale des acteurs (FIA), devenue membre du CA de Cannes. C'est ce siège que Catherine Almeras occupe ­depuis 1984.

Cannes : un terrain de luttes

Le Festival de Cannes est une association avec un CA, un bureau et du personnel permanent comme le délégué général, le délégué administratif et un président élu par le conseil. « C'est une énorme association avec des membres de droits dans son CA : le CNC [Centre natio­nal du cinéma et de l'image animée], le ministère de la Culture, la Cour des comptes, le ministère des Affaires étrangères et des membres “soi-disant” élus. Tous les deux ans, il y a une élection, mais tout le monde se représentait et était réélu. De temps en temps, on ajoutait des “personnalités qualifiées”, par exemple un agent artistique d'Artmedia. Avec la nouvelle réglementation et le renouvellement des statuts, en 2018 ou début 2019, il faut que tout cela soit revu. Le CA se réunit quatre ou cinq fois par an. Nous ne sommes pas des potiches, mais le travail est préparé par l'administration du festival, on donne des idées, qui sont parfois reprises, sur certaines manifestations et on vote. C'est surtout un organe de représentation, mais il faut y être.»

En même temps, Catherine Almeras, n'oublie pas que sa « casquette militante » est aussi importante pour le bon déroulement du festival… et les mouvements de protestation qui peuvent s'y produire. « Lors de la remise en question du régime d'indemnisation chômage, on a évité des incidents graves. Et on a monté les marches avec dans le dos les lettres du mot “négociations”. »

Pour un cinéma engagé

La syndicaliste se souvient aussi du soutien à la manifestation des cinéastes coréens demandant un quota de films nationaux contre l'invasion des films américains ou du soutien au réalisateur kurde Yilmaz Güney (Palme d'or pour Yol), alors emprisonné en Turquie.

Si les conseils d'administration ont lieu à Paris, il se tient un CA à Cannes au début du festival, où se font, par exemple, la critique de la soirée d'ouverture ou des remarques sur tel ou tel point d'organisation. Les membres du CA sont évidemment très privilégiés, avec des places réservées aux séances du soir. Catherine Almeras regrette d'ailleurs que la tradition d'y assister se perde un peu. « Je me fais un point d'honneur d'y aller tous les soirs, sauf lorsqu'on a un dîner officiel. Ces dîners peuvent aussi être très intéressants, qui permettent les rencontres dans un monde très cloisonné. J'ai ainsi pu échanger avec Michael Moore, qui est même venu manifester à nos côtés pour les allocations chômage ! Nous sommes aussi invités à des rencontres professionnelles où l'on retrouve les producteurs, notamment français, dans un cadre différent que lors de négociations. Souvent cela fait avancer les dossiers. »

Après avoir organisé des expositions au Palais des festivals, les deux élus CGT au CA (voir encadré) ont porté cette ­année l'idée d'un colloque, qui a été rete­nue. Deux tables rondes, l'une le 24 mai, qui rappellera « Les origines et la mise en place du festival » et sera menée par l'historien du cinéma Tangui Perron ; la seconde retracera « L'évolution des aides au cinéma depuis 1946, la situation actuelle et le futur », avec l'ancienne ­eurodéputée travailliste britannique ­Carole Tongue. Catherine Almeras suit aussi avec attention le festival Visions sociales, organisé par le CCAS, ou ce que font l'Association pour le cinéma indé­pendant et sa diffusion (Acid) et l'Association des cheminots cinéphiles CGT, « mais c'est en marge du festival, car tout ce qui est syndical n'est pas très bien vu… Nous avons cependant fait inviter des secrétaires généraux de la FIA. La FNSAC [Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l'audiovisuel et de l'action culturelle] a fait inviter les secrétaires ­généraux de la CGT ».

Catherine Almeras garde un beau souvenir de la dernière Palme d'or de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, avec qui elle a échangé un poing levé complice alors qu'il allait recevoir sa récompense. Elle raconte avec admiration sa rencontre avec Sean Penn et se souvient avec fierté avoir été la seule membre du CA à voir Papa est en voyage d'affaires, d'Emir Kusturica, avant qu'il ne reçoive une Palme d'or surprise. Car pour être militante, elle n'en est pas moins cinéphile.

 

À lire

  • De la cigale à la fourmi, histoire du mouvement syndical des artistes interprètes français, 1840-1960, de Marie-Ange Rauch, Éditions de L'Amandier.
  • Les intermittents du spectacle, enjeux d'un siècle de luttes, de Mathieu Grégoire, Éditions La Dispute.
La CGT au conseil d'administrationLa Fédération internationale des acteurs (FIA) est une fédération internationale de syndicats, guildes et associations professionnelles d'artistes-interprètes. Elle représente, via ses 90 organisations membres dans plus de 60 pays, plusieurs centaines de milliers d'artistes-interprètes. Créée en 1952, la FIA a obtenu quelques années plus tard son adhésion au conseil d'administration du festival avec délégation au représentant français de la FIA, qui est également membre du SFA-CGT.
La Fédération CGT Spectacle (aujourd'hui Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l'audiovisuel et de l'action culturelle – FNSAC-CGT) est membre fondatrice du Festival international du film de Cannes, et son actuel secrétaire général, Denis Gravouil, représente la FNSAC-CGT au CA du festival. La FNSAC a plus de poids au CA que la FIA, car les associations présentes au CA de Cannes sont majoritairement françaises. De plus, la FNSAC représente tous les métiers du cinéma.