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Philipp Meyer raconte un siècle texan avec « Le Fils »

29 juin 2018 | Mise à jour le 2 juillet 2018
Par | Photo(s) : DR
Philipp Meyer raconte un siècle texan avec « Le Fils »

De la conquête pionnière pour la terre à l'entrée dans l'ère du capitalisme pétrolier, le romancier Philipp Meyer retrace avec Le Fils, cent ans de l'histoire texane à travers trois figures de la famille McCullough. Une épopée qui s'ouvre et se clôt dans un bain de sang.

Si le titre n'était déjà pris, le roman fleuve de Philipp Meyer aurait pu s'appeler « Cent ans de solitude(s) » tant ses trois personnages principaux, malgré des vies mouvementées, sont en fait très isolés.

Eli, deviendra Tiheti auprès des Comanches qui l'ont enlevé tout jeune et avec lesquels il vivra pendant trois ans une aventure à la « Little Big Man », adopté par un chef de bande avant de revenir au monde blanc et de gagner le surnom de Colonel pendant la guerre de Sécession.

Personnage aussi mythique que cynique, Eli atteindra l'âge vénérable de cent ans dans une région où l'espérance de vie peut être stoppée net par une flèche ou une balle. A la tête d'un énorme ranch d'élevage, Eli incarne le mythe de la Frontière où le piétinement des grands troupeaux de bovins sera bientôt remplacé par le fracas des derricks. S'il est solitaire, c'est plus par choix que par fatalité.

Tout le contraire de son deuxième fils, Peter, celui qui concrétise cette transition, non moins violente que celle qui bâtit ranches et clôtures sur les terres indiennes. Peter est d'une toute autre étoffe que son aventurier de père et confie ses états d'âme à son journal intime. Né en 1870 et constatant que l'enrichissement familial se fait à la fois sur les profits de la guerre mondiale qui ravage l'Europe et sur l'extermination des voisins et amis Mexicains pour s'approprier leurs terres, Peter, Le Fils porte douloureusement une mauvaise conscience taraudante. Tiraillé entre la fidélité à une tradition familiale à laquelle il n'adhère guère et des aspirations autrement humanistes, Peter vit un éternel dilemme.

Dernier personnage de cette saga familiale, Jeannie, petite fille de Peter, qu'elle n'a pas connu et qui s'oppose au Colonel, toujours vivant. Née dans les années 1920, le lecteur la découvre au crépuscule d'une vie où son statut de femme dans un monde très macho l'a condamnée à une solitude intérieure que ni maris, ni enfants, ni son immense richesse due à l'exploitation pétrolière ne vont adoucir. Entre « Dallas » et « Dynastie », la vie de Jeannie est pétrie de regrets, de la nostalgie d'un monde qui annonce l'ère contemporaine et le capitalisme décomplexé.

Entrelaçant leurs trois histoires, Meyer signe le grand roman du Texas qui n'est rien moins qu'une miniature qu'emblématique d'une Amérique construite dans le sang. Flamboyant et extrêmement romanesque, Le Fils est souvent subtil dans sa critique implicite de l'héroïsme revu et corrigé par Hollywood. Courage et lâcheté, sauvagerie ou douceur, chacun des protagonistes est capable du pire ou du meilleur, porteur d'une histoire qui est aussi celle de toute sa lignée que retrace cette saga très prenante.

Le Fils Philipp Meyer  792 pages, 23,50 €