Duras insolite

Sur scène, elle et lui devisent de tout, de rien. Pas de personnages proprement dit – un homme, une femme –, mais des situations loquaces bien souvent sans queue, ni tête. Un homme en panne d'essence à quelques mètres de là… depuis deux ans, se baladant avec un bidon cabossé et troué ; une veuve joyeuse, dont le mari, centenaire, est mort à la bonne minute, sûrement grâce à elle…

Piochant dans les textes de Marguerite Duras (Les eaux et forêts, Outside, La vie matérielle, Écrire…), Claire Deluca et Jean-Marie Lehec ont imaginé une heure de dialogue qui décline la solitude, le crime, l'amour, la folie avec humour.

La force du verbe durassien fait que nous naviguons avec plaisir d'une scène à l'autre. On écoute ainsi les confidences d'un homme tiraillé entre l'action (visser des boulons à longueur de journée) et la cogitation (réfléchir allongé sur un transat), un autre évoquer son oiseau qui parle mais que les autres n'entendent pas, tandis qu'une femme dit posséder un lion qui engloutit des kilos de viande.

Et nous découvrons une Duras pleine de drôlerie, maniant l'absurde avec génie à l'image d'une Nathalie Sarraute.

Duras, de tout… De rien… De rien du tout.
Adaptation, mise en scène et interprétation de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec. Jusqu'au 3 décembre au théâtre La Reine blanche

Claire Deluca, qui a côtoyé Marguerite Duras dès 1965 et joué nombre de ses pièces ou textes, parfois écrits pour elle (Le Shaga, Yes, Peut-être), rapporte : « Elle était heureuse de faire rire pour la première fois, de venir chaque soir au théâtre pour partager ce rire avec le public ; elle disait : “C'est merveilleux !” » Pari réussi, les deux comparses nous font pénétrer dans la prose loufoque de Duras pour un voyage réjouissant dans une douce folie.

Duras, de tout… De rien… De rien du tout.
Adaptation, mise en scène et interprétation de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec. Jusqu'au 3 décembre au théâtre La Reine blanche