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RETRAITES

Un premier atelier participatif sur les retraites très contestataire

10 septembre 2018 | Mise à jour le 11 septembre 2018
Par | Photo(s) : Ministères sociaux/ DICOM / Nicolo Revelli-Beaumont / SIPA
Un premier atelier participatif sur les retraites très contestataire

Atelier participatif sur la réforme des retraites, organisé à Montreuil le 6 septembre 2018 avec Jean-Paul Delevoye.

Jeudi 6 septembre se déroulait à Montreuil le premier « atelier participatif » sur la réforme des retraites. Venu vanter les mérites de la retraite par points, le haut-commissaire, M. Delevoye, s'est heurté aux questions des citoyens venus débattre.

Jeudi 6 septembre, le premier des huit ateliers participatifs régionaux prévus sur la réforme des retraites s'est tenu à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Une centaine de citoyens, qui s'étaient inscrits via la plateforme de consultation publique, étaient invités à débattre et à émettre des propositions censées nourrir les recommandations que le haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Delevoye, fera au gouvernement en décembre prochain. Le sujet est sensible, l'exécutif le sait et M. Delevoye, venu prendre le pouls des citoyens et déminer le terrain, en a eu la confirmation tout au long de la journée.

Premières manifestations d'opposition à la réforme des retraites

Dès avant 8 h 30, en présence de personnalités politiques de gauche, les syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires d'Île-de-France avaient organisé un rassemblement devant le Palais des congrès en guise de comité d'accueil pour les participants et l'équipe de M. Delevoye. Celui-ci doit en effet mettre en musique le principe énoncé par le programme présidentiel de M. Macron : « Un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé. »

Soit, a priori, une retraite par points. « Ne cassez pas notre système de retraite solidaire ! » Lancée par un manifestant sur le passage du haut-commissaire, l'interpellation a comme donné le la pour le restant de la journée. En effet la place laissée à la solidarité dans le nouveau système est la question qui est revenue en boucle dans la bouche des participants : « Si un euro cotisé donne les mêmes droits, que se passera-t-il pour les aléas de la vie, comme le chômage, les carrières hachées, etc. ? » M. Delevoye et son équipe auront eu beau se réclamer des principes du Conseil national de la Résistance et des pères fondateurs de la Sécurité sociale, leurs explications ont eu peine à convaincre l'assistance.

Inquiétudes sur la solidarité

L'argument selon lequel un nouveau système universel serait « plus juste et plus stable, basé sur la répartition » avec des « règles communes » et permettrait de s'adapter aux aléas du futur « dans un monde imprévisible », s'est avéré insuffisant face à une salle composée de citoyens qui, soit avaient bûché le sujet avant de venir, soit en étaient des spécialistes. Le système par points est apparu à la plupart d'entre eux comme anti-redistributif, mais, débat participatif oblige, M. Delevoye a bien dû écouter leur vision de ce système : alors que le haut-commissaire le vante comme l'exact « reflet de la carrière professionnelle » beaucoup d'intervenants ont relevé qu'en conséquence il en reflétera toutes les inégalités (carrières hachées, notamment pour les femmes, chômage, bas salaires, etc.).

Le principe selon lequel « un euro cotisé doit donner les mêmes droits à chacun » effacera donc mécaniquement tous les effets des dispositifs correctifs du système actuel qu'ils considèrent comme autant « d'outils d'égalité dans la diversité ». « On n'est pas là pour uniformiser » a fait valoir le haut-commissaire, évoquant l'idée que certains mécanismes de solidarité (pensions de reversion, majorations pour enfants, situations de handicap…) pourraient tout aussi bien être financés par l'impôt et relever des ministères concernés. Ce qui n'a pas été pour calmer les inquiétudes de l'assemblée.

Contestation tous azimuts

Les retraites pèsent trop dans les richesses créées, argue M. Delevoye ? Celles-ci « doublent en trente ou quarante ans », lui ont rétorqué plusieurs participants, alors peu importe si les retraites prennent quelques points de PIB sur la même période. D'autres ont complété le propos en se montrant très critiques sur le fait d'asseoir le financement des retraites sur la seule masse salariale plutôt que sur l'ensemble des richesses créées par le travail, notamment celles qui nourrissent la finance. « Et pourquoi limiter la concertation à 800 personnes sur huit ateliers ? », a lancé un citoyen favorable à un référendum sur la réforme.

Autant de propositions qui ne sont pas dans les clous et que le haut-commissaire a repoussées avec courtoisie après avoir martelé toute la journée qu'il fait « confiance à l'intelligence citoyenne » et assuré qu'il a pris « l'engagement » de citer « précisément » les contributions citoyennes lorsqu'il fera ses préconisations au gouvernement. S'il a salué publiquement la « maîtrise de la question [des retraites] de la part des participants », Judith Ferrando, la codirectrice de Missions publiques – le cabinet conseil chargé de l'organisation de la consultation –, a indiqué en aparté qu'il « est difficile d'attirer les néophytes », mais que « c'est l'un de [ses] objectifs pour les prochains ateliers ». Et ce, d'autant plus que, kit en main, lesdits participants sont censés faire du prosélytisme en faveur de la réforme au sortir de l'atelier.

Pas une réforme, « un changement de système »

Reste qu'à la question posée en ouverture de la journée pour savoir qui n'a aucune inquiétude sur la pérennité du système de retraites, seulement trois personnes avaient levé la main. Plus d'une trentaine pensaient qu'elles devraient compléter leur revenu une fois à la retraite, une grosse vingtaine qu'elles devront travailler au-delà de l'âge de la retraite et autant qu'elles manqueront de ressources. « C'est tout le paradoxe de la situation actuelle », a noté M. Delevoye, « du fait des réformes précédentes, le système n'a jamais été aussi équilibré financièrement qu'aujourd'hui. » « Alors où est le problème ? », aurait-il pu être demandé. C'est que M. Delevoye semble se lancer dans un tour de France pour préparer les esprits au bouleversement qu'il a annoncé au détour d'une explication : les retraités ne peuvent plus continuer à échapper aux fluctuations de la situation économique.

De même, le thème abordé en fin de journée en dit très long : « comment améliorer la couverture retraite dans le cadre des nouvelles formes de travail […] marquées par le développement de la pluriactivité, de l'entreprenariat, des auto-entrepreneurs, des contrats courts ». Que la nouvelle économie (numérique) se traduise inéluctablement (ou pas) par « le développement des activités réalisées à temps partiel, ou […] par des activités rémunérées à la tâche ou via des contrats courts » n'étant pas du tout sujet à discussion. Pour le haut-commissaire, qu'on se comprenne bien : il ne s'agit pas d'une réforme, mais de « la mise en place d'un nouveau système ».

Prochaines étapes des ateliers : Lorient, le 18 septembre, puis Arras le 20, Strasbourg le 2 octobre, Toulon le 6, Angoulême le 17, Dijon le 19 et Toulouse le 23. Gageons que les mobilisations syndicales et politiques enfleront un peu plus à chacune de ces dates pour dire « non » à tel système de retraites.