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Suppression de la sécurité sociale de la constitution : le poids des mots

Frédéric Dayan
10 juillet 2018 | Mise à jour le 6 septembre 2018
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Non ce n'était pas un ballon d'essai : la tentative avortée la semaine dernière de remplacer le terme de Sécurité sociale par « protection sociale » au détour d'un amendement au projet de réforme de la Constitution n'était pas un test.

Le rétropédalage de la majorité LREM et du Premier ministre ne doit pas faire illusion. En effet, Emmanuel Macron entend bien répondre aux vœux du patronat d'en finir avec les principes fondateurs de la Sécurité sociale que sont l'universalité, le financement par des cotisations. Comme l'a rappelé la CGT dans un communiqué, le terme de « Sécurité sociale » inclut une notion de redistribution (entre actifs et retraités, entre personnes bien portantes et malades, etc.). Remplacer « Sécurité sociale » par protection sociale est une remise en cause du sens de la Sécurité sociale « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

Devant le tollé syndical et politique soulevé par cet amendement glissé en catimini, Richard Ferrand, le DRH de la start-up LREM a cru bon de jouer la feinte : « Je me suis dit que, quand on est mal compris, il y a deux manières de faire. Soit critiquer les journalistes. Soit revoir sa copie afin que ne subsiste pas de malentendu ». Revoir la copie… il ne s'agit donc pas d'abandonner l'idée, mais de trouver un autre moyen de nous faire basculer d'un modèle de Sécurité sociale de haut niveau à un modèle anglo-saxon totalement ouvert à la concurrence.

L'objectif à peine voilé d'Emmanuel Macron au travers de ce toilettage sémantique est la remise en cause du financement de la maladie, mais aussi du chômage et de soumettre l'assurance-chômage et les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, comme les régimes spéciaux, aux futures lois de financement de la protection sociale. On l'a vu il y a quelques jours avec l'annonce du chiffrage des excédents de la Sécurité sociale qui iront résorber le déficit de l'État, le gouvernement veut poursuivre le processus d'étatisation et de fiscalisation de la protection sociale.

Avec ce toilettage il veut aussi ouvrir à la concurrence la Sécurité sociale qui y échappe actuellement. En quelques mots qu'on peut juger « techniques » ou « anodins », Jupiter et sa majorité s'apprêtent à offrir aux entreprises la possibilité de choisir à qui ils vont verser les cotisations sociales. Cela fait des décennies que le patronat français en rêve et que la finance aimerait disposer de cette manne.

Cet épisode montre en tous cas que la furia réformatrice macroniste use à la fois de l'accumulation et de l'empilage afin de sidérer et désarmer la contestation, mais aussi des tactiques de commando : la nuit, en catimini. Le rétropédalage du gouvernement est à mettre au crédit d'une réaction prompte et convergente des forces sociales… pour le coup d'accord sur l'essentiel.