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PÉNITENTIAIRE

Entre reconnaissance et nouvelles missions

12 juillet 2016 | Mise à jour le 10 février 2017
Par | Photo(s) : Joël Saget/AFP
Entre reconnaissance et nouvelles missions

Ce 14 juillet 2016, pour la première fois, des personnels pénitentiaires défileront sur les Champs-Élysées. Au-delà du symbole, l'exécutif pense que l'administration pénitentiaire devrait jouer un rôle dans la prévention de la menace terroriste. Au risque d'une dérive sécuritaire.

« Comme marque ultime de confiance, j'ai proposé au président de la République, après avoir obtenu l'avis favorable du premier ministre, que, pour la première fois, des personnels pénitentiaires, la troisième force de sécurité que vous intégrez, défilent aux côté des armées, de la police et de la gendarmerie nationale le 14 juillet prochain sur les Champs-Élysées ».

L'annonce de Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, date du 27 avril dernier alors qu'il était en déplacement à l'ENAP (École nationale de l'administration pénitentiaire).

En plus du symbole, lourd de sens pour les personnels pénitentiaires qui, bien souvent, se sentent traités en fonctionnaires de seconde zone, l'exécutif est, de son côté, convaincu du rôle que cette administration pourrait et devrait jouer dans la prévention de la menace terroriste.

« DYSFONCTIONNEMENT » DU RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

Le 6 juillet, après six mois de travail, la commission d'enquête parlementaire sur les moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme, a adopté son rapport. Parmi les propositions qu'elle formule pour le renseignement, figure l'accélération de la mise en place, « d'un véritable bureau du renseignement pénitentiaire pleinement opérationnel ».

Comme l'a révélé Le Monde du 4 juillet un rapport commandé par le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, pointe les « incohérences » et les « dysfonctionnements » du dispositif actuel. Sa réorganisation semble donc inévitable.

Auditionné le 1er juin par la commission d'enquête parlementaire, Jean-Jacques Urvoas a d'ailleurs fait jouer son droit d'inventaire pour dresser un tableau catastrophique du renseignement pénitentiaire.

« Tout reste à définir, a-t-il confié, qu'il s'agisse de la manière de travailler des personnels, de la formation dont ils ont besoin, des moyens humains, techniques et financiers qui doivent leur être alloués ou, surtout, de l'élaboration d'une doctrine ».

VERS UNE PROFESSIONNALISATION DU RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

Selon les chiffres fournis par le rapport d'enquête parlementaire, le renseignement pénitentiaire dispose aujourd'hui de 114 agents (équivalents temps plein travaillés) pour 189 établissements pénitentiaires, 68 000 détenus et 235 000 personnes suivies en milieu ouvert. Un effectif qui va devoir non seulement croître, pour que le service devienne opérationnel, mais également se professionnaliser.

Un pas d'autant plus essentiel à franchir que le renseignement pénitentiaire a rejoint le deuxième cercle de la communauté du renseignement à la suite d'un amendement introduit en février dans la loi sur le crime organisé, le terrorisme et la procédure pénale.

Désormais les services du ministère de la justice pourront mettre en œuvre des techniques de recueil du renseignement similaires à celles du premier cercle notamment en matière d'écoute, de déchiffrage et, habilités secret défense, d'échanges avec d'autres services.

Bref, il s'agit de construire un nouvel outil du renseignement adapté aux particularités d'un milieu essentiellement fermé, la prison, pour y traquer la « radicalisation » et lutter ainsi contre le terrorisme. Une telle mutation pourrait se faire en diversifiant les recrutements, préconise le rapport d'enquête, notamment grâce à l'embauche « d'experts contractuels ».

MODIFICATION DU RÉGIME DES FOUILLES

Il y a un an, l'ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira, s'était opposée à cette orientation de l'administration pénitentiaire. Lors du vote de la loi renseignement, elle avait refusé que les surveillants, dont la mission est au service de la justice, soient chargés du renseignement, qui relève du ministère de l'intérieur.

Un avis que partageait Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Jean-Jacques Urvoas a pris soin de s'assurer le soutien de tous les syndicats avant de prendre le contre-pied de sa prédécesseure. Notamment en leur tendant la main sur le plan législatif.

Le ministre de la Justice a ainsi soutenu un amendement à l'article 57 de la « loi pénitentiaire » relatif à la réintroduction d'une mesure controversée : la fouille au corps dans les prisons pour lutter contre le trafic d'armes, de drogue, de téléphones…

Tout en respectant les principes posés par la Cour européenne des droits de l'Homme, a assuré le ministre de la Justice.

Une mesure souhaitée par les syndicats pénitentiaires parmi lesquels l'Union générale des syndicats pénitentiaires CGT (UGSP-CGT) qui met l'accent sur la nécessité de « garantir la protection des détenus les plus faibles et la sécurité des personnes et des biens ». Cela, à défaut de pouvoir acheter des centaines de portiques de détection, très coûteux, qui permettraient de renoncer aux fouilles.

« CETTE SPIRALE INFERNALE » DU TOUT SÉCURITAIRE

La commission d'enquête parlementaire, quant à elle, inscrit cette « modification du régime des fouilles » dans le « renforcement des dispositifs de lutte contre l'introduction d'objets prohibés en détention ».

Si, en soutenant cet amendement, l'UGSP-CGT « assume clairement sont rôle de syndicat » – elle « n'est pas défavorable à une augmentation de la sécurité mais pas au détriment des droits et des libertés » – elle n'en demeure pas moins critique sur la stratégie de l'exécutif et sur sa doctrine. Selon l'UGSP-CGT le gouvernement « est entré dans une spirale infernale, en faisant de la sécurité le point central de tous les débats ».

Renseignement pénitentiaire, fouilles, surpopulation carcérale, nouvelles places dans les prisons, encellulement individuel, mais aussi conditions de travail et de détention, lutte contre la récidive, caractère criminogène des prisons, etc. : autant de questions que l'exécutif ne traite plus qu'à l'aune de la lutte contre la menace terroriste.

Les crimes perpétrés par une minorité d'individus servent de point d'appui à la définition de la politique pénale, déplore l'UGSP-CGT qui demande au ministre d'« ouvrir le débat hors des seuls murs des parlement ».

Si le 27 avril, l'UGSP-CGT soulignait dans un communiqué que « Sans aucun doute, l'annonce de la participation de surveillants pénitentiaires au défilé du 14 juillet porte une reconnaissance de l'État envers notre service public et ses personnels » elle alerte cependant depuis plusieurs mois sur « la stratégie de notre gouvernement » : « cette fuite en avant dans la dérive sécuritaire nous mène dans une impasse qui conduit aujourd'hui à la “normalisation” du Front national ».