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RÉPRESSION SYNDICALE

Garde à vue et amende à Mulhouse

1 mars 2016 | Mise à jour le 20 février 2017
Par | Photo(s) : Dariusz Szuster/Maxppp
Garde à vue et amende à Mulhouse

Joël Moreau, militant CGT, 69 ans, a été condamné vendredi 26 février à Mulhouse à 250 euros d’amende et 500 euros avec sursis, pour « outrages » envers des forces de l’ordre et le premier ministre Manuel Valls, à l’occasion d’une manifestation organisée le 22. Il a accepté de raconter sa version des faits à la NVO.

LUNDI 22 FÉVRIER, MANUEL VALLS, EMMANUEL MACRON ET MYRIAM EL KHOMRI SONT VENUS À MULHOUSE DÉFENDRE LE PROJET DE LOI SUR LE TRAVAIL.

VOUS AVEZ QUANT À VOUS PARTICIPÉ À UNE MANIFESTATION POUR DÉNONCER CETTE LOI. POUVEZ-VOUS RAPPELER LES CIRCONSTANCES DE VOTRE INTERPELLATION ?

J'arrive avec une heure d'avance à la manifestation, donc je reste dans ma voiture, j'écoute de la musique, sur un parking de supermarché. A partir de 14h30, j'en sors, la police arrive et me demande mes papiers. Pourquoi ? Parce que je suis resté trop longtemps dans mon véhicule. J'ouvre mon coffre, il n'y a rien dedans naturellement. Toujours sur ce parking, je rencontre un collègue, deux policiers arrivent de nouveau et nous expliquent qu'on n'a pas le droit de stationner là à discuter et que l'on doit marcher. J'exprime mon étonnement. La policière me dit qu'elle applique les ordres et qu'elle n'a pas d'état d'âme.

Comparaison n'est certes pas raison, mais je lui dis que les policiers en 1940 appliquaient eux aussi sans état d'âme les ordres du gouvernement Pétain… On se rapproche du Pôle Emploi où la venue de Manuel Valls est annoncée. Alors qu'on est à une centaine de mètres, d'un seul coup arrivent une dizaine de camions de CRS et de gardes mobiles qui lancent trois sommations, nous demandant de reculer le plus loin possible derrière le parking pour qu'on ne nous voie pas. Certains manifestants sont obligés de retirer leurs casquettes et de cacher leurs banderoles.

On nous pousse. Je commence à râler, prononce quelques anciens slogans « CRS, SS », etc. Des caméras du ministère de l'Intérieur filment tous nos faits et gestes. J'approche de l'une d'elle et je dis : « Valls, je t'emmerde ». On résiste un peu en poussant en sens inverse, mais on ne fait pas le poids : pour une centaine de manifestants, il y avait quelque 300 policiers. À un moment donné, dans une bousculade, je suis exfiltré de la manifestation et je me retrouve en garde à vue pendant 20 heures, de 15h27 à 11h30 le lendemain, pour outrage au premier ministre et à la police. Je suis passé en audience spéciale car j'ai reconnu les faits. J'ai eu 750 euros d'amende, dont 500 avec sursis. Les 250 restants, il faudra les payer.

COMMENT L'ANALYSEZ-VOUS ?

Aujourd'hui, aucune visite du premier ministre ne doit être troublée par des manifestants. Au nom de la communication, on les repousse pour qu'ils soient invisibles. C'est très humiliant et disproportionné. Autant de forces de l'ordre pour faire évacuer des manifestants pacifiques qui, avec leurs seules banderoles et leurs cris, expriment des revendications…

Même ça, c'est devenu interdit ? On m'a mis en garde à vue pour des slogans ! Bientôt on ne pourra plus rien dire ? Les méthodes ressemblent à celles de la présidence de Nicolas Sarkozy. Et il aurait fallu condamner, à l'époque, Daniel Balavoine qui disait « J'emmerde tous les pouvoirs » ou Brassens avec son « mort aux condés ». Ceci dit, Manuel Valls a voulu nous faire taire et il a perdu. On a davantage parlé de ma garde à vue que de sa venue.

 

Propos recueillis par Marion Rousset