À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Automobile

L’intox des accords de compétitivité

4 mars 2015 | Mise à jour le 15 mars 2017
Par | Photo(s) : Charly Triballeau/AFP
L’intox des accords de compétitivité

La presse économique vante les bons résultats qui découleraient des accords de compétitivité dans l'automobile. Qu'en est-il réellement? Entretien avec Fabien Gâche, délégué central CGT de Renault.

Deux ans après la signature de l'accord de compétitivité chez Renault, Fabien Gâche, délégué syndical central CGT de l'entreprise, explique pourquoi la CGT a refusé de le signer et décode le leurre des accords de compétitivité.

 

NVO. Renault annonce 1 000 embauches en France en 2015 et se félicite des résultats de l'accord de compétitivité signé il y a deux ans. Est-ce une bonne nouvelle?

Fabien Gâche : L'accord du 13 mars 2013 prévoyait 8 260 suppressions d'emplois d'ici 2016. Or, deux ans après, nous avons déjà perdu environ 7 000 emplois, plus que depuis la décennie précédant cet accord! Le rythme a donc été beaucoup plus rapide que prévu, particulièrement chez les cols bleus. Cet accord n'a rien d'une bonne nouvelle. Non seulement, il n'y a aucun gain en terme d'emploi, mais en plus on assiste à une accélération de la réduction des effectifs.

 

 

NVO. Comment se traduisent ces réductions d'effectifs?

Fabien Gâche : Carlos Ghosn est arrivé en mai 2005 chez Renault. Depuis, à la maison mère, le nombre d'ouvriers a été divisé par deux, passant de 16 000 à 8 000. Idem pour les techniciens et agents de maîtrise. Par contre, les effectifs cadres, qui représentent environ le tiers du personnel, étaient quasiment constants jusqu'à l'accord de compétitivité.

 

NVO. Et quelles en sont les conséquences?

Fabien Gâche : La réduction des effectifs a un impact sur les conditions de travail qui deviennent intenables. Cette dégradation des conditions de travail entraînet aussi des risques psychosociaux. En supprimant autant de monde en si peu de temps et dans tous les corps de métier, il y a une perte simultanée de compétences, de qualifications, d'expérience. Et c'est cela qui explique que Renault, n'ayant plus les ressources suffisantes en interne, ne cesse de reculer la sortie de la nouvelle gamme. Pendant que l'entreprise prend autant de retard, ses concurrents, eux, peuvent prendre de l'avance. C'est pour cette raison que Renault a perdu autant de ventes de voitures en dix ans.

 

NVO. Pour autant, Renault affiche d'excellents résultats…

Fabien Gâche : Il y a deux façons de les analyser. Au regard du taux de rentabilité, Carlos Ghosn peut être satisfait. En une quinzaine de jours, l'action Renault est passée de 61 à près de 85 euros. Du point de vue de l'actionnariat, les objectifs sont atteints! Mais pour les salariés, le résultat c'est 7 000 suppressions d'emplois et une baisse colossale du pouvoir d'achat. Les dernières négociations ont abouti à 0% d'augmentation générale. Les gens devront se contenter d'une éventuelle augmentation individuelle dans toutes les catégories.

 

NVO. Le Figaro considère que la CGT enregistre des reculs électoraux quand elle refuse de signer des accords de compétitivité. Est-ce le cas?

Fabien Gâche : Non. La CGT qui avait refusé de signer l'accord de compétitivité maintient ses positions. C'est aussi globalement le cas de toutes les organisations syndicales. Par contre, le taux de participation chute d'une manière importante. On remarque aussi que 48% des ingénieurs, cadres et techniciens n'ont pas voté. C'est-à-dire que s'ils ne votent pas pour la CGT, ils ne le font pas plus pour les organisations syndicales qui ont signé l'accord de compétitivité et ne valident donc pas cette attitude.

 

NVO. Renault vient aussi d'annoncer une augmentation de ses ventes, 3,2% l'an passé, avec 2,71 millions de véhicules écoulés dans le monde…

Fabien Gâche : Cette annonce est une opération de communication. Dans les faits, les choses sont un peu plus compliquées. En premier lieu, il faut savoir que ces chiffres intègrent tout Dacia. C'est le cas des productions de Roumanie et du Maroc quand elles sont vendues hors d'Europe occidentale ou en Russie. Mais si on sépare ce qui de la gamme Dacia de ce qui relève de la gamme Renault, on se rend compte que de toute son histoire l'entreprise, jamais aussi peu vendu de Renault. En 2005, elle vendait 2,5 millions de véhicules dans le monde parmi lesquels plus de 2,2 millions de Renault. Aujourd'hui, le groupe annonce 2,7 millions de ventes, mais les Renault ne représentent plus que 1,364 million. Depuis dix ans, sur le marché européen, le recul de vente des véhicules Renault est donc de l'ordre de 800 000 véhicules.

 

NVO. Quels enseignements tirez-vous de la stratégie d'internationalisation et d'accords de compétitivité suivie par Renault?

Fabien Gâche : L'internationalisation de Renault a fait reculer l'entreprise sur ses principaux marchés en Europe et en France, mais aussi à l'international puisqu'on vend beaucoup moins de Renault dans le monde en 2014 qu'en 2005. Par ailleurs, elle a aussi fait baisser les volumes de production dans les usines occidentales (France, Espagne, Slovénie). L'argument selon lequel tout serait lié au coût du travail et qu'il faudrait le faire baisser par le biais des accords de compétitivité ou délocalisations n'est pas pertinent. Renault l'a expérimenté avec la Twingo, puis la Mégane désormais fabriquée intégralement en Espagne, et la Clio maintenant fabriquée en Turquie. On constate, d'une part, que cela n'a pas permis une baisse du prix pour le client – bien au contraire, il a augmenté – et, d'autre part, que le niveau des ventes s'est en réalité effondré.

Ventes mondiales du groupe Renault en 2005

Renault: 2 216 915 (dont 1 792 000 en Europe)

Dacia: 144 929 (dont 30 000 en Europe)

Samsung: 140 056 (aucune vente en Europe)

Total: 2 501 900

Ventes mondiales du groupe Renault en 2014

Renault. 1 364 487 (dont 1 090 000 en Europe)

Dacia: 1 141 678 (dont 361 000 en Europe)

Samsung: 206 267 (dont 12 000 en Europe)

Total: 2 712 432