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RÉFUGIÉS

Loi asile et migrations : le grand bannissement

22 février 2018 | Mise à jour le 22 février 2018
Par | Photo(s) : Olivier Donnars / AFP
Loi asile et migrations : le grand bannissement

Le gouvernement projette encore une nouvelle loi sur l'immigration et l'asile. Au prétexte d'appliquer le droit d'asile, ce nouveau texte vise en réalité à restreindre l'immigration et les droits élémentaires des migrants. La fuite en avant sur des thèses chères à l'extrême droite semble bien se poursuivre.

« Asile en péril », « Justice expéditive, justice fictive »… C'est ce que dénonçaient, mercredi 21, des avocats, militants associatifs, mais aussi employés de la CNDA et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en manifestant devant le Conseil d'État. Ils réclament le retrait du projet de Gérard Collomb. De son côté, la CGT a dénoncé le durcissement de la politique migratoire et Philippe Martinez estime que l'on peut faire reculer le gouvernement.

L'un des objectifs officiels du gouvernement, auquel a été présenté le texte porté par le ministre de l'Intérieur, consiste en effet à « Renforcer l'effectivité et la crédibilité de la lutte contre l'immigration irrégulière ». Même si Gérard Collomb prétend l'équilibrer en simplifiant le droit au séjour » des étrangers en situation régulière.

Rétention jusqu'à 135 jours

Ainsi, le numéro deux du gouvernement veut-il d'abord augmenter les durées de rétention administrative des étrangers dont la situation n'a pas été régularisée. Elle passerait de 45 à 90 jours, voire 135 jours dans certains cas. La retenue administrative permettant de vérifier la régularité du droit au séjour passerait de 16 à 24 heures. Le régime de l'assignation à résidence serait renforcé.

Un demandeur d'asile pourrait être enfermé, au cas où l'autorité déciderait qu'il présente une menace pour l'ordre public. Et pour tous les migrants, franchir une frontière extérieure de l'espace Schengen sans autorisation serait sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Le juge des libertés et le tribunal administratif pourraient en outre procéder aux jugements via un usage étendu de la « vidéo-audience ».

Asile : restriction des droits et des recours

Concernant l'asile, le délai d'instruction de la demande incluant le recours ne dépasserait pas six mois. Mais en fait, cela passerait par une réduction de 120 à 90 jours du délai de dépôt de la demande d'asile et par une réduction d'un mois à seulement 15 jours du délai de recours à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Là aussi seraient développées les audiences à distance par vidéo.

Quant aux déboutés du droit d'asile, la décision de renvoi prendrait effet avant même que le recours ait été examiné par la CNDA, et ils ne pourraient plus solliciter un autre titre de séjour. Les demandeurs d'asile seraient répartis dans les régions et perdraient le droit à l'hébergement s'ils n'y restaient pas.

Mineurs refoulés

Deux aspects a priori positifs : le texte prévoit de renforcer la protection des jeunes filles exposées à un risque d'excision et d'étendre la réunification familiale aux frères et sœurs pour les mineurs. Mais les mineurs isolés continuent à ne pas bénéficier en France de leurs droits, a minima d'un accueil digne de ce nom. En dépit des dénégations du ministre de l'Intérieur, les associations dénoncent la situation de centaines d'entre eux dans plusieurs villes, dont Paris, livrés à l'abandon et à l'errance, sans aucun moyen de survie, dormant dehors même lorsqu'il neige.

Par ailleurs, alors que 23 associations ou églises et leurs avocats contestaient le 21 février devant le tribunal administratif de Nice le renvoi en Italie de 20 mineurs africains (du Darfour, d'Égypte ou d'Érythrée) non accompagnés, le préfet n'a pas hésité à affirmer que ces enfants n'avaient pas droit à assistance particulière, ayant été contrôlés en gare de Menton Garavan, considérée non pas comme partie du territoire, mais comme un point frontière avec l'Italie… Foin donc de la situation de ces enfants. Ce qui compte, c'est de refouler…

Accord de Dublin : rétention possible

Certains les appellent les « dublinés » en référence à la procédure européenne dite de Dublin adoptée en 2014 et selon laquelle seul le pays d'arrivée en Europe est réputé compétent pour traiter une demande d'asile. Dans les faits, principalement la Grèce l'Italie, ou les Balkans…

Le 15 février dernier, les parlementaires ont adopté la proposition de loi sur les « dublinés », visant à autoriser le placement en rétention de ces demandeurs d'asile. Selon le gouvernement, cette mesure nécessaire permettrait d'augmenter les reconduites à la frontière. Ce qui s'avère bel et bien son objectif central.

Hébergement d'urgence : la fin de l'inconditionnalité ?

Comme le rappellent de nombreuses associations ou ONG à l'instar de Médecins du monde (MdM) ou de la Fédération nationale des acteurs de la solidarité (Fnars) l'hébergement d'urgence est inconditionnel, précisément car il s'agit d'urgence. Pourtant, Gérard Collomb a publié à l'approche de l'hiver une circulaire qui renie ce principe humanitaire de base. Il a en effet décidé que des équipes mobiles d'agents de l'Office français de l'immigration et de l'Intégration (Ofii) et des préfectures se rendront dans ces centres pour examiner la situation administrative des étrangers hébergés.

Une logique : le tri, la sélection, entre ceux qui pourront rester en France et ceux qui seront « reconduits à la frontière » : Pour beaucoup d'entre eux, par exemple pour de nombreux Afghans, cela signifie le risque de mort. Les associations craignent la précarisation de plus en plus lourde des personnes en situation d'urgence même absolue qui craindront de se rendre dans les centres. Mais le Conseil d'État n'a pas suspendu le texte.

Résistances

On comprend les inquiétudes et la colère des associations et des professionnels. La majorité LREM elle-même est ébranlée par de tels projets et certains — ou certaines — députés n'hésitent plus à le faire savoir.

Gérard Collomb a-t-il mesuré le symbole de la présentation d'un tel projet un 21 février ? Le 21 février 1944, les résistants du groupe FTP-MOI (main-d'œuvre immigrée) de Missak Manouchian et trois résistants, lycéens de Saint-Brieuc, étaient assassinés au Mont-Valérien. Le ministre de l'Intérieur aurait pu choisir meilleur hommage.