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52e Congres CGT

Philippe Martinez ouvre les débats du congrès pour une CGT mobilisée et offensive

14 mai 2019 | Mise à jour le 15 mai 2019
Par | Photo(s) : Lionel Antoni / Photo Sociale
Philippe Martinez ouvre les débats du congrès pour une CGT mobilisée et offensive

Philippe Martinez a introduit les débats du 52e congrès de la CGT à Dijon le 13 mai 2019

Un millier de délégués des syndicats ont entamé lundi 13 mai les travaux du 52e congrès confédéral. Philippe Martinez, secrétaire général sortant, a introduit les débats du congrès par un rapport ouvert sur le monde et invitant la CGT à l'offensive.

Un congrès confédéral est toujours, pour la CGT, un moment important de sa vie démocratique. C'est ce que Philippe Martinez, secrétaire général sortant, a rappelé d'emblée, dans le rapport introductif du 52e congrès qu'il a présenté, ce lundi 13 mai après-midi, à Dijon, aux près de mille militantes et militants, délégués par leurs syndicats. Parmi eux, a-t-il annoncé, 80 % participent pour la première fois à un congrès confédéral.

Ces délégués avaient d'abord participé à l'élection du bureau du congrès, puis rendu hommage aux disparus de la mandature, et pu écouter la présentation de l'union départementale de la Côte-d’Or qui accueille le congrès, de son histoire et de ses luttes, par sa secrétaire générale, Sandrine Mourey.

Philippe Martinez a, pour sa part, tenu à saluer les délégués dans cette « période marquée par une campagne de dénigrement du syndicalisme menée au plus haut niveau de l'Etat et une attaque contre les droits et moyens syndicaux », et à accueillir chaleureusement les invités de la CGT, en particulier les 107 délégués de tous les continents qui, la veille, avaient participé à la conférence internationale organisée par la confédération.

Syndicalisme : une nécessaire solidarité internationale

C'est du reste dans un contexte nécessitant le développement des solidarités internationales que Philippe Martinez a résolument inscrit l'ouverture de ce congrès, soulignant combien « travailler ensemble, se rassembler autour de projets et de revendications communes », est la « meilleure façon de lutter contre les divisions que cultivent le patronat et les gouvernements ».

Car si « depuis toujours notre activité internationale s'est construite sur la solidarité avec les peuples et les travailleurs du monde, dans les mouvements pacifistes, contre le colonialisme et toute forme d'impérialisme, aujourd'hui, encore, cet internationalisme solidaire doit s'exprimer » a-t-il rappelé, mentionnant notamment la solidarité de la CGT avec les peuples et organisations syndicales de Palestine face au colonialisme du pouvoir israélien, de Cuba, « victime d'un renforcement du blocus de l'administration Trump plus prompte à soutenir un président autoproclamé au Vénézuela que de favoriser un processus démocratique et pacifiste dans les seules mains du peuple vénézuélien », du Brésil, qui doit affronter le pouvoir de Bolsonaro, « fasciste, raciste, homophobe, et sexiste » et qui « ne doit son élection qu'à l'arrestation arbitraire de notre camarade métallo Lula », et celles et ceux victimes dans le monde de la répression. Une solidarité qui se veut en actes.

D'entrée de jeu, Philippe Martinez a donc inscrit l'action syndicale dans le contexte de la mondialisation, laquelle sert trop souvent de « prétexte aux suppressions d'emplois et aux reculs sociaux, à la déréglementation du droit du travail (…), à la mise en concurrence des travailleurs et des peuples », dans un contexte d'inégalités croissantes.

Dénonçant des accords de libre échange « dictés par des organisations comme l'OMC ou le FMI » qui, contrairement à l'OIT, « ne sont pas des émanations de l'ONU », il a souligné que « nous vivons dans un monde de guerre d'une violence sociale et économique inouïe », dénoncé les ravages écologiques des choix capitalistes et le fait que l'on déplore « plus de morts à cause du travail qu'à cause des guerres », et appelé à ce que les ces questions ne soient pas seulement affaire de spécialistes.

Le poison de l'extrême droite

Philippe Martinez l'a rappelé : face à cette situation, nous assistons à une « montée du racisme, avec la résurgence de partis d'extrême droite », en particulier en Europe. Et dans ce contexte, certains font des migrants « l'unique enjeu des prochaines élections européennes. Selon Emmanuel Macron, il faudrait choisir entre une migration maîtrisée ou une fermeture totale des frontières. La mode est de nouveau à la construction de murs. Depuis sa dernière intervention télévisée, le président de la République a décidé de choisir la route de l'extrême droite en évoquant l'art d'être français et en proposant un renforcement du contrôle aux portes de l'Europe », a-t-il dénoncé.

Et, s'il plaide en faveur du développement économique et social dans tous les pays, il refuse de « rester à ne rien faire et continuer à compter les morts noyés en Méditerranée ou de froid en traversant les Alpes » et à développer la solidarité avec les travailleurs migrants.

« Ni complaisants, ni suffisants »

« Sur la base de ces valeurs, nous sommes à l'aise dans nos affiliations internationales » lesquelles par ailleurs « ne nous limitent pas dans nos relations », a ajouté Philippe Martinez, mettant en lumière la nécessité d'unité « avec le plus grand nombre d'organisations syndicales ».

« Nous agissons avec le poids qui est le nôtre pour tenter avec d'autres confédérations d'influer sur le syndicalisme mondial », a-t-il ajouté : « Nous ne sommes ni complaisants, ni suffisants ». Et de rappeler : « Nous savons être critiques lorsque nous pensons que la stratégie choisie est trop timorée ou qu'elle se fourvoie ».

D'où, notamment, l'engagement de la CGT en faveur de la manifestation syndicale internationale à Genève le 17 juin, à l'occasion du centenaire de l’OIT, pour la défense du droit de grève et du droit syndical : une première mondiale.

En France : syndicalisme de lutte contre les attaques antisociales

Ce contexte international se décline aussi en France par les attaques subies, a rappelé le secrétaire général. Dès son élection, le président Macron a poursuivi ce qu'avaient entamé ses prédécesseurs, mettant à mal les droits collectifs, le doit du travail, les services publics, la Sécurité sociale, renouant avec le travail à la tache du XIXe siècle… Si Nicolas Sarkozy était le président des riches, Macron est bien, estime-t-il, celui des ultra-riches

Rappelant les diverses mobilisations et grèves à l'appel de la CGT, locales ou nationales, professionnelles ou interprofessionnelles (dans l'énergie, le commerce, l'éducation, les services publics, la santé, la psychiatrie, les Ehpad, l'industrie…), Philippe Martinez est aussi revenu sur ce le mouvement des gilets jaunes, le mettant en rapport avec « nos déserts syndicaux ». Si dans un premier temps ce mouvement a surgi contre l'augmentation des taxes sur le carburant, si le Medef a dès lors tenté de plaider pour la suppression de toutes les taxes, rapidement les gilets jaunes ont revendiqué, à l'instar de la CGT, l'augmentation du Smic, la justice fiscale, la défense de services publics… a rappelé en substance Philippe Martinez.

Et de souligner la position sans équivoque de la CGT de mobilisations communes partout où c'est possible, à la fois en restant lucides sur la diversité de ce mouvement, en refusant toute caricature et en rappelant que si les manifestations du samedi sont utiles, la grève, notamment face aux multinationales, est indispensable.

Le dirigeant syndical est revenu également sur « les annonces en trompe l'œil » de Macron, le 10 décembre, sur le prétendu « grand débat », dont aucun moment n'a eu lieu dans une entreprise, sur le discours présidentiel sur le thème « je vous ai entendus mais je maintiens le cap de mes réformes ». Un constat qui a amené la CGT à ne pas participer à la « conférence sociale », tout en avançant 19 propositions autour d'urgences sociales, écologiques, fiscales, démocratiques.

« Pas de conquête sociale sans liberté syndicale »

Le secrétaire général de la CGT a aussi dénoncé l'ampleur et l'intensité de la répression policière et patronale notamment contre l'action syndicale, le mépris de la jeunesse, avec de nombreux blessés, la condamnation de militants, ou encore le fait qu'un élu de la majorité ose demander la dissolution d'une union départementale de la CGT (Bouches-du-Rhône).

Mais, a-t-il ajouté, Castaner n'a pas réussi à voler le premier mai des travailleurs. La CGT réclame cependant une enquête sur ce qui s'est joué en termes de répression lors du défilé parisien et sur l'origine des ordres. Et s'ils viennent de Castaner, celui-ci devra partir, estime Philippe Martinez.

L'unité pour élargir la lutte

Pour résister à ces attaques et défendre de nouveaux droits, Philippe Martinez plaide d'abord pour mieux ancrer les actions dans les entreprises au plus près des salariés, sans décider à leur place, et pour une réflexion sur les formes et les rythmes des mobilisations susceptibles d'engager l'ensemble des salariés et des plus précaires.

Il rappelle aussi les enjeux de l'unité syndicale. Il existe effectivement, dit-il, « des visions opposées sur certains sujets » avec d'autres organisations syndicales, des conceptions différentes du syndicalisme, mais, l'unité n'est pas conçue comme une finalité mais comme un moyen d'élargir la lutte.

Il regrette aussi que manquent des alternatives politiques. Soulignant l'indépendance à laquelle est attachée la CGT, il précise que cela n'empêche pas d'être disponible pour travailler avec d'autres, sans jouer « ni les faire-valoir, ni les forces d'appoint ».

Changer la société

Pour la CGT, contestation ne peut que rimer avec proposition, affirme-t-il en substance. Rappelant le contexte des « Jours Heureux », il souligne combien la CGT a pour ambition de transformer la société, et rappelle la double nature du syndicalisme : améliorer le quotidien et transformer la société.

En jeu, et c'est ce que portent ses 19 propositions : l'augmentation des salaires, pensions, minima sociaux ; l'égalité entre femmes et hommes ; de nouveaux droits collectifs autour d'un Code du travail du XIXe siècle, d'un nouveau statut du travail salarié et de la sécurité sociale professionnelle ; la justice fiscale, la défense des retraites, la réduction du temps de travail avec la semaine de 32 heures susceptible de créer quelque 4 millions d'emplois… Il s'agit aussi de revenir sur la finalité même du travail, de permettre aux salariés de retrouver du « pouvoir d'agir ».

Il s'agit aussi de défendre des services publics de proximité et de qualité, porteurs de solidarité, de cohésion sociale, d'aménagement du territoire, d'emplois… Il s'agit de reconquérir l'industrie, de mettre en place un pôle financier public, d'articuler les urgences sociales et environnementales.

Syndicalisme de classe et de masse

Cela suppose une CGT plus forte et, précise Philippe Martinez, d'abord de s'adresser à toutes et tous, quels que soient les origines, la taille de l'entreprise, les statuts, les types de contrats de travail, voire l'absence de contrat de travail : refuser les dérives libérales, ce n'est pas rejeter ceux qui en sont victimes, qu'ils soient ubérisés, auto-entrepreneurs…

« Le syndicalisme de classe est indissociable du syndicalisme de masse », rappelle-t-il, insistant sur la nécessité du déploiement syndical partout, de la structuration de l'implantation de la CGT, du développement de l'activité spécifique, et d'une reconquête en termes de représentativité.

Il s'agit aussi de donner toute leur place à tous les syndiqués. En particulier aux femmes, pour lesquelles il appelle la CGT à être « exemplaire ». Mais aussi aux jeunes. Il regrette en outre que la CGT ait top peu de comités de précaires et privés d'emplois, qu'il faut savoir articuler avec les syndicats dans les entreprises, et plaide pour la continuité syndicale et un vrai déploiement syndical en direction des retraités. Tout cela supposant un travail en convergence entre les organisations de la CGT, dans le respect de leur autonomie.

Donner toute leur place aux syndiqués, c'est aussi favoriser le débat, la décision collective, la démocratie syndicale qui, souligne Philippe Martinez, « n'est jamais une perte de temps ». De même s'agit-il de favoriser la consultation des salariés, de respecter leur avis.

Autant de gages de démocratie pour des luttes victorieuses pour le monde du travail. Au congrès de Dijon, le temps est maintenant au débat…