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PROTECTION SOCIALE

Nouvelle offensive sur le « coût du travail »

28 novembre 2017 | Mise à jour le 29 novembre 2017
Par | Photo(s) : Nicolas Kovarik / IP3
Nouvelle offensive sur le « coût du travail »

Répondant à une vieille revendication du patronat, le gouvernement s’apprête à une nouvelle offensive contre le travail qualifié en se déclarant prêt à baisser davantage le « coût du travail » en jouant sur les cotisations sociales.

L’offensive menée au nom de la sacrosainte croisade contre le « coût du travail » a été relancée par le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire. « Nous ne sommes pas encore suffisamment compétitifs, notamment par rapport à nos voisins allemands », a-t-il justifié sur France Inter. Si l’économie française « doit avoir des salariés toujours plus qualifiés », alors il faut « ouvrir la réflexion sur des allègements de charges sur les salariés les plus qualifiés » au-dessus de 2,5 Smic. Il charge donc le Conseil national de l’industrie (CNI) dès janvier d’examiner la possibilité de réduire les cotisations sociales au-delà de 2,5 Smic. Sans désavouer Bruno Le maire, Edouard Philippe a tenté une sorte de rétropédalage en douceur en précisant que cela se ferait seulement lorsque les comptes publics auront été redressés.

Siphonnage des recettes

Dans un moment où les besoins de la protection sociale progressent, cet élargissement du spectre des exonérations de cotisations sociales patronales pose question, car on siphonne à nouveau les ressources de la protection sociale. Cette politique amène aussi à décrocher le financement de la protection sociale par les cotisations pour le reporter, in fine, sur l’impôt puisque ces baisses de cotisations ont vocation à être compensées par l’Etat.

Efficacité douteuse

Cette nouvelle exonération interviendrait sans que la preuve soit faite de l’efficacité des trois vagues successives d’exonération que nous avons connues. Ainsi, selon le premier rapport du Comité de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises et des engagements (Cosape), les travaux d'évaluation de la politique d'exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires aboutissent globalement à conclure que la première vague d'allégements (de 1993 à 1997) a permis de créer ou sauvegarder de l'ordre de 300 000 emplois et la deuxième vague (de 1998 à 2002) environ 350 000 emplois. Mais c’est essentiellement en raison de la réduction du temps de travail à 35 heures. Les effets de la troisième vague (de 2003 à 2005), eux, seraient quasi nuls.

Encouragement à tasser les grilles

L’autre question posée est celle de l’effet « trappe à bas salaire » de ces mesures. Les auteurs du rapport du Cosape regrettent « l'absence d'étude sur les effets de la politique d'allégements sur l'ensemble des 25 dernières années, sur son impact sur l'appareil productif, sa spécialisation et sa compétitivité ainsi que sur les salaires. » Mais on ne peut pas croire que le patronat ne sera pas encouragé à tasser un peu plus les grilles de salaires, freiner les évolutions pour faire en sorte que les salariés qualifiés stationnent durablement sous les seuils d’exonération. Si les effets salariaux de ces exonérations ne sont curieusement pas régulièrement mesurés par les pouvoirs publics, le Cosape note cependant dans son rapport que « la proportion de salariés rémunérés au Smic a beaucoup progressé tout au long des trois vagues d'allégements, et, même si elle a reflué depuis, elle se situe aujourd'hui deux points plus haut qu'il y a vingt-cinq ans. Ce resserrement de la distribution salariale, que l'on observe en France sur une longue période, apparaît atypique au regard des autres pays développés.»

Les entreprises ont bien compris tout l’intérêt qu’elles avaient à maintenir le plus possible les salaires en dessous du seuil de 1,6 fois le Smic ouvrant droit à l’exonération. Lequel Smic n’est plus dans sa vocation première un salaire de départ pour un salarié sans qualification, mais une sorte d’horizon indépassable. Ces exonérations de même que les politiques salariales ont largement contribué au tassement des grilles et au non-paiement de la qualification. On s’apprête donc à franchir un nouveau cap en faisant oublier aux salariés et à l’opinion que ces cotisations patronales sont un élément du salaire socialisé et différé.