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ÉDUCATION

Quel rebond pour la lutte contre les réformes Blanquer en cette rentrée ?

2 septembre 2019 | Mise à jour le 2 septembre 2019
Par | Photo(s) : Martin Bureau/ AFP
Quel rebond pour la lutte contre les réformes Blanquer en cette rentrée ?

Rentrée des classes à l'école élémentaire Chaptal à Paris, le 2 septembre 2019. Environ 12,4 millions d’élèves reprennent le chemin de l’école, en élémentaire (6,7 millions), secondaires (3,4 millions) et lycées (2,3 millions).

À la veille de la rentrée des classes, et alors que « les réformes Blanquer organisent une école du tri social et changent en profondeur le système éducatif », l'Université d'été des enseignants et de l'éducation qui s'est tenu du 26 au 28 août à la Cartoucherie de Vincennes a fait le bilan de l'année de luttes contre ces réformes et précisé des pistes de remobilisation du corps enseignant.

Après une année de mobilisations multiples, une fin d'année sérieusement chahutée par le mouvement de grève du Bac, la contestation des profs contre les réformes Blanquer repartira-t-elle à la rentrée ? La question était au cœur de l'Université d'été des enseignants et de l'éducation (UEE) qui se tenait à la Cartoucherie de Vincennes entre le 26 et le 28 août.

L'idée était de « prendre le temps de réfléchir à une autre éducation nationale, à une organisation y compris des cours, des enseignements, etc. et de s'organiser collectivement pour aborder les luttes de cette rentrée », résume Alain Leveneur, professeur de mathématiques au lycée Paul Valéry dans le 13e arrondissement de Paris et militant CGT Éduc'action qui a activement contribué à sa tenue.

Lancée par la Chaîne des Bahuts et soutenue par de nombreux syndicats d'enseignants (Snes-FSU, CGT Éduc'action, Sud Éducation, SNFOLC…), de lycéens (UNL, Fidl) et de parents d'élèves (FCPE), cette première édition a réuni plus de 600 personnes, « un succès extrêmement significatif pour la remobilisation de l'Éducation à la rentrée », selon les organisateurs.

Un bilan contrasté

Sous les barnums posés au milieu de la verdure, des ateliers « lutter », « dialoguer », « enseigner », dans la salle de théâtre, des projections de films consacrés à l'éducation…

La loi Blanquer dite « L'école de la confiance », réforme du bac, réforme des lycées professionnels, fermetures de classes en primaire, réforme des programmes… : les raisons de la colère des enseignants ont été nombreuses à l'origine des mobilisations qui ont émaillé l'année écoulée. Comme à Gennevilliers (92) où « l'année a été très positive, car nous n'avions pas connu une telle explosion de grévistes depuis 2003, explique Laura, professeur des écoles, au cours de l'atelier “Luttes en cours dans l'éducation, bilan et perspectives”. Cela faisait longtemps que le premier degré ne se mobilisait pas nationalement… À Gennevilliers, on a atteint 80 % de grévistes à certaines dates ».

Mais domine également un sentiment d'inachevé. Manque de coordination, manque de communication et celui « d'un énorme gâchis de la part de l'intersyndicale qui n'a pas appelé à se mobiliser alors que tous les niveaux de la maternelle à l'université sont sortis à un moment donné », conclut la jeune enseignante.

un contexte de répression sociale inéditSophie, militante Snuipp-FSU

« Malgré tous les coups portés depuis des années en matière de politique éducative, on a réussi, cette année, à avoir une mobilisation interdegrés (…) même si pas aboutie, ni majoritaire, (…) le tout dans un contexte de répression sociale inédit, relève Sophie, militante Snuipp FSU et enseignante dans le premier degré dans l'Oise. Il nous faut retrouver le chemin de la confiance mutuelle, rechercher les convergences. Ce qu'il se passe dans l'éducation n'est pas déconnecté de ce qu'il se passe dans la fonction publique et au niveau interprofessionnel. Les organisations syndicales restent un outil de construction des luttes qui propose un cadre, la responsabilité des salariés est ensuite de s'en emparer à différents niveaux. Il faut retrouver le chemin de la confiance. »

Même son de cloche du côté d'Arnaud Cora, professeur de mathématiques au collège Thomas Mann, dans le 13e arrondissement de la capitale et co-secrétaire Educ'action CGT de Paris. « La réforme du lycée général, la réforme de l'enseignement professionnel, la loi Blanquer, quand on rentre dans une salle des profs, 80 % des collègues sont contre ces réformes, de ce point de vue, on a gagné, là où on n'a pas gagné, c'est l'effet d'entraînement. Mais le mouvement du Bac a été plus que symbolique, car les collègues les plus timides ont vu pour la première fois Blanquer vaciller. Enfin, la rentrée pourrait s'avérer inacceptable au niveau pratique… ».

Et d'appeler sans détour à faire le lien avec « la précarité dans les bahuts », « la réforme de la fonction publique » et « la réforme des retraites où tout le monde va être perdant, les fonctionnaires super perdants, et les professeurs méga-super perdants. Il faut un travail main dans la main entre les coordinations, les différents mouvements et les organisations syndicales », conclut-il.

Des perspectives possibles

« Les réformes Blanquer organisent une école du tri social et changent en profondeur le système éducatif, on ne peut donc se satisfaire du passage de ces réformes en l'état », explique Patrick Désiré, secrétaire général secrétaire général de l'Unsen-CGT Educ’cation.

Dans quelle mesure la CGT pourrait s'imposer comme un point d'appui pour la structuration du mouvement, nul ne le sait, mais « nous avons un avantage à la CGT Educ'action, c'est que nous syndiquons tous les personnels à la fois les enseignants du premier, du second degré, les personnels administratifs, de direction, etc. explique-t-il. Bien sûr, nous avons constaté l'éparpillement des luttes qui ont démarré avec des points très précis et propres à chacun. Or, si notre objectif est bien de construire un cadre unitaire permettant un mouvement majoritaire dans notre secteur, la CGT est loin d'être majoritaire même si nous avons en effet un poids important dans la voie professionnelle ».

Les lycées techniques qui accueillent près d'un tiers des élèves et vont voir déferler une réforme qui réduit de moitié les enseignements généraux impartis jusqu'ici pourraient également constituer un réservoir non négligeable d'enseignants en colère.

Une rentrée sous le signe de la mobilisation

L'UEE s'est close avec une assemblée générale studieuse de près de deux cents personnes qui ont dégagé « un plan de remobilisation dès la rentrée, afin de construire le rapport de force pour gagner », peut-on lire dans le communiqué commun publié le 29 août. Et d'égrainer un florilège de rendez-vous possibles : mobilisation dès le jour de la rentrée ; proposition d'une première journée de grève et de manifestations le 10 septembre ; appel à la mobilisation le 20 septembre lors des manifestations des jeunes pour le climat à laquelle appellent l'UNL, le MNL, la FIDL et Youth For Climate ; appel à la mobilisation le 21 septembre à la manifestation lancée à l'appel de nombreuses organisations et des Gilets jaunes ; appel à l'unité entre grèves et luttes sectorielles de septembre en faisant du 24 — journée de mobilisation contre la réforme des retraites — une journée de grève reconductible dans l'Éducation et de grève interprofessionnelle.

Ces dates serviront-elles de feuille de route pour élargir la mobilisation dans le corps enseignant ? Une nouvelle université des enseignants et de l'éducation qui devrait avoir lieu cet automne permettra d'en tirer toutes les leçons. En attendant, une assemblée générale est d'ores et déjà prévue à la Bourse du Travail de Paris, ce 2 septembre à 17 h 30.

Pas sûr que la mini augmentation de salaire de 300 euros bruts annuels confirmée par Jean-Michel Blanquer à la veille de la rentrée soit de nature à calmer la colère des enseignants. La période s'annonce d'emblée à hauts risques pour celui dont la popularité s'est effondrée depuis février 2018. Selon un récent sondage Franceinfo et Le Figaro, bien que ses réformes soient majoritairement approuvées, à peine la moitié des Français auraient une bonne opinion du ministre de l'Éducation nationale…