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SNCF

Paris – Toulouse : paroles de cheminots

10 avril 2018 | Mise à jour le 11 avril 2018
Par et | Photo(s) : Bapoushoo
Paris – Toulouse : paroles de cheminots

Nous sommes allés sur les piquets de grève, dans les assemblées générales des cheminots en grève à la gare de Paris-Lyon et celle de Toulouse-Matabiau. Ils nous expliquent les raisons qui fondent leur engagement dans le conflit.
À qui la faute ? Pas aux cheminots…Philippe Verdeil, conducteur de train
NVO – La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT, actualité sociale et juridique

Philippe Verdeil

Cheminot à Toulouse (Haute-Garonne) depuis 1997, après avoir travaillé pendant dix ans dans la métallurgie, Philippe Verdeil est à la CGT depuis 1993. Il renvoie la direction de la SNCF et les gouvernements successifs, depuis vingt ans, à leurs responsabilités.

« On partage le constat des usagers : le service public ferroviaire a perdu cohérence, qualité et efficacité dans les missions qu'il doit accomplir. Mais ce n'est pas la faute des cheminots. Si l'on évoque l'organisation du travail à la SNCF par exemple, il faut dire la suppression de 30 000 emplois en douze ans à l'échelon national ; 100 par an sur les dix dernières années au niveau régional.

Tandis que la réforme portée par Élisabeth Borne pour l'exécutif et par Guillaume Pépy pour la SNCF est conduite à marche forcée, il est vraiment temps d'organiser le débat public sur l'ouverture à la concurrence. Cette question, l'ensemble des citoyens doit s'en emparer pour évoquer l'avenir du rail, mais aussi celui de la santé et de l'hôpital, de l'énergie… Tous ces biens publics dont les porte-voix du gouvernement évaluent, de manière fallacieuse d'ailleurs, le coût annuel par contribuable. Est-ce que l'aménagement du territoire, notamment, supporte la notion de “coût” ?

Voilà ce qui m'agace le plus, le refus de débattre du contenu de la réforme sur le fond. Et aussi le fait qu'on laisse entendre à la population qu'il y a une négociation en cours avec les cheminots. Mais l'opinion publique affiche de plus en plus son scepticisme quant aux stratégies et aux objectifs du gouvernement. »

À Paris, Stéphane Vaisse et Laurent Mély, respectivement contrôleur SNCF et cadre dans un service de maintenance des voies nous expliquent les raisons qui fondent l’engagement ou à défaut, la bienveillance des agents de maîtrise et cadres cheminots dans le conflit en cours.
De la productivité sur le dos des salariés et du matériel. Steeve Beaufils, agent de maintenance
NVO – La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT, actualité sociale et juridique

Steeve Beaufils

Steeve Beaufils assure depuis 2011 la réparation des trains et compte parmi l'un des 400 employés du technicentre Périole SNCF Midi-Pyrénées, à Toulouse (Haute-Garonne). Élu au CHSCT du site, Steeve Beaufils est à la CGT depuis 2012.

« Les anciens m'ont formé au métier de la maintenance. Lorsqu'ils évoquaient leur travail et leur mission, ils parlaient “service public”. Aujourd'hui le gouvernement, avec le rapport “Avenir du transport ferroviaire” et la réforme qui en découle, mais aussi la direction de l'entreprise n'ont que le mot “productivité” dans l'esprit et dans le geste.

C'est simple, on arrive au bout du système. L'évocation des trains arrêtés, ceux en retard ou annulés, n'est pas erronée. Encore faut-il dire les raisons d'une telle dégradation du service… Depuis mon arrivée en 2011 au technicentre, il faut chercher dans les choix opérés en matière de stratégie budgétaire, de gestion des ressources humaines et d'organisation du travail. Baisse des effectifs et manque de formation des agents, d'une part, réduction du nombre de trains disponibles et gestion du stock des pièces à flux tendu, d'autre part, nourrissent une productivité qui s'opère sur les salariés et sur le matériel ; donc sur le service. Il est même question de nous passer d'un système en 2/8 en un système en 3×8, 7 jours sur 7, sans que l'on sache ce que l'on aura à faire.

Mais ce qui m'agace le plus, c'est le discours qui affirme, contre toute réalité, que les petites lignes et les petites gares ne sont pas menacées par la privatisation que prépare ce projet de réforme, avec l'ouverture à la concurrence notamment. »

Parler organisation de l'entreprise et moyensJérôme Monamy, chef de circulation
NVO – La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT, actualité sociale et juridique

Jérome Monamy

Jérôme Monamy travaille à la SNCF depuis vingt ans et milite à la CGT depuis 2004. L'élu au comité d'entreprise Circulation dénonce les faux débats qui entourent la réforme de la SNCF en mettant en lumière les enjeux de développement durable et besoins de la population.

« Pour moi, cela fait quinze ans que la SNCF est réformée sans que soient jamais évoqués les vrais problèmes. Je pense en particulier aux problématiques de l'écologie et du développement durable. Le système ferroviaire pourrait être une aide pour suppléer au “tout-route” mais les propositions des gouvernements successifs et de la direction continuent à ne pas aller dans ce sens.

Le statut des cheminots, c'est important bien sûr. Il garantit à chacun des conditions de travail qui permettent d'équilibrer vie professionnelle et vie privée. Mais l'essentiel, c'est surtout cette question : comment, demain, fait-on rouler les trains pour qu'un maximum de personnes et de marchandises circulent ? Il faudrait en effet parler organisation de l'entreprise et moyens.

Or le plus gros mensonge, aujourd'hui, consiste à expliquer que l'ouverture à la concurrence répondra aux besoins de la population et aux enjeux écologiques. Rappelons que la procédure appliquée précédemment au fret a contribué à jeter un million de camions sur les routes tout en cassant l'outil de travail de l'entreprise dévolu au transport des marchandises. Et la SNCF est désormais le premier transporteur routier en France, avec sa filiale Keolis notamment. »