À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
HISTOIRE

50 ans d’occupation de la Palestine

5 juin 2017 | Mise à jour le 5 juin 2017
Par | Photo(s) : Daniel Berehulak / Rea
50 ans d’occupation de la Palestine

Une femme et son enfant près du mur de séparation entre la Cisjordanie et Israel à côté du camp de réfugiés de Shuafat. Juin 2016.

Le 6 juin 1967 commençait une guerre éclair menant à l'occupation par Israël des territoires palestiniens de Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza. Après 50 ans d'occupation et de colonisation par Tel-Aviv, il serait temps d'imposer le droit international pour le peuple palestinien. À commencer par son droit à l'autodétermination sur sa propre terre.

On oublie souvent cette analyse, pourtant si claire, prononcée par le général De Gaulle lors d'une conférence de presse en novembre 1967 : « Maintenant, il (Israël) organise sur les territoires qu'il a pris l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s'y manifeste contre lui une résistance, qu'à son tour il qualifie de terrorisme ». Des propos intervenant un peu plus de cinq mois après une guerre éclair de six jours, du 5 au 10 juin 1967, à l'issue de laquelle l'État d'Israël occupe les territoires palestiniens qu'il n'avait pas conquis en 1948, la bande de Gaza et la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, ainsi que le Golan syrien et le Sinaï égyptien. Cinquante ans plus tard, la Palestine demeure occupée.

La guerre, déclenchée par les forces israéliennes contre ses voisins arabes, l'Égypte – qui avait administré de 1 948 à 1 956 la bande de Gaza –, la Jordanie – qui avait annexé la Cisjordanie après 1948 – et la Syrie, se voulait, déjà, une « guerre préventive », à l'issue du blocus par l'Égypte du détroit de Tiran, en mai, mais en l'absence de toute attaque des États arabes. Il ne fallut donc que six jours à l'armée israélienne pour vaincre celles des États arabes, détruire leur aviation, et surtout tripler son territoire.

Si Tel-Aviv a restitué le Sinaï à l'Égypte à l'issue des accords de paix de Camp David de 1978-1979, son Parlement a en revanche annexé en toute illégalité le Golan syrien, Jérusalem-Est et une vaste partie de son arrière-pays palestinien. Et, cinquante ans plus tard, le reste des territoires palestiniens demeure sous occupation militaire et subit une colonisation de peuplement massive et d'une rare violence. Comme l'avait prédit le général de Gaulle, l'occupation n'a pu aller sans oppression, répression, expulsions, contre lesquelles s'est organisée sous diverses formes une résistance, que Tel-Aviv n'a eu de cesse de qualifier de terrorisme.

1967 : vingt ans après le début de l'expulsion massive

En 1967, le partage de la Palestine a vingt ans. En novembre 1947, à l'issue du génocide des juifs d'Europe par le nazisme et les régimes collaborateurs, les Nations-Unies partagent en effet la Palestine jusqu'alors sous mandat britannique en deux États séparés, l'un juif, l'autre arabe, transformant les lieux saints en « corpus separatum » c'est-à-dire les plaçant sous mandat international. Un « partage avorté », selon la formule d'Alain Gresh et Dominique Vidal (Palestine 47, un partage avorté, Complexe, 1987 ; rééd. 1994), puisque seul Israël verra le jour. À l'issue d'une première guerre israélo-arabe, Israël, Jordanie et Égypte se partagent les décombres du reste de la Palestine.

Dès 1947, quelques mois avant la fondation de l'État d'Israël (mai 1948) puis l'entrée en guerre des armées arabes, a commencé l'expulsion massive des Palestiniens de leur terre. Plus de 800 000 Palestiniens en ont alors été chassés, conformément à un plan israélien précis, comme l'ont dénoncé les historiens palestiniens puis confirmés depuis quelque trente ans ceux que l'on a nommés les nouveaux historiens israéliens. Il s'agissait de rendre réelle l'idée d'une « terre sans peuple » (la Palestine) pour « un peuple sans terre », reprenant la promesse faite en 1917 par Lord Balfour au mouvement sioniste de créer un « foyer national juif en Palestine » ce qu'Arthur Koestler a traduit : « En Palestine, une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d'une troisième. »…

Avec la perte du nom propre, Palestine, commente l'historien palestinien Elias Sanbar, (Figures du Palestinien. Identité des origines, identité de devenir, Collection NRF Essais, Gallimard, 2004) se forme la figure de « l'Absent », tandis qu'une politique de « remplacement » d'un peuple est à l'œuvre : il ne s'agit donc pas « d'un voisinage qui aurait mal tourné », mais « d'un séparatisme à l'œuvre qui vise à instaurer une présence solitaire et exclusive dans les lieux. »

1967 : cinquante ans d'occupation, de colonisation et de résistance

La guerre des Six Jours bouleverse durablement la donne au Proche-Orient. À l'issue à la fois de la défaite des armées arabes régulières et de l'occupation de toute la Palestine, l'Organisation de libération de la Palestine, l'OLP, créée en 1964, conquiert son émancipation des tutelles des États arabes qui lui ont donné le jour. Elle devient un mouvement authentiquement national de libération, fédérant des courants politiques divers. Et ce, en dépit des multiples tentatives des mêmes États arabes de la diriger, selon leurs intérêts supposés, leurs ambitions et leurs stratégies conjoncturelles, jusque par les armes, qu'il s'agisse de la Jordanie, ou de la Syrie avec le massacre de 2 000 réfugiés du camp de Tell-el-Zaatar au Liban en août 1976, ou du bombardement des combattants palestiniens à Tripoli (Liban) en 1983…

Yasser Arafat prend rapidement la direction de l'OLP. « Yasser Arafat a transformé des réfugiés dispersés en un mouvement national », commente l'architecte et écrivaine palestinienne Souad Amiry au lendemain du décès, en France, du Président Yasser Arafat, le 11 novembre 2004. Celui qui aura, de fait, incarné le mouvement de libération nationale palestinien « demeurera pour moi, pour nous, le résistant qui, par-delà louanges et critiques, fondées ou irrecevables, ne s'est jamais renié quand l'essentiel était en jeu : ramener son peuple à la visibilité et le sortir de l'absence forcée dans laquelle ses ennemis avaient rêvé de le voir disparaître », écrit pour sa part Elias Sanbar. Dès 1974, l'OLP est invitée à l'ONU, comme seule représentante du peuple palestinien. Yasser Arafat y lance un appel à la paix, fondée sur la mise en œuvre du droit international et du droit à l'autodétermination du peuple palestinien.

C'est d'abord dans les camps de réfugiés, principalement à l'extérieur du territoire occupé, au Liban, que l'OLP s'organise, faisant du retour de ces réfugiés (Al-Awda) dans leur patrie et dans leurs foyers – un droit consacré par les Nations Unies – le premier de ses mots d'ordre. En 1982, libéré du front égyptien, Israël envahit le sud du Liban et bombarde tout l'été la population civile de Beyrouth, libanaise et palestinienne. Il s'agit alors, en particulier pour Ariel Sharon, d'éradiquer l'OLP. Il n'y parviendra pas. Mais les combattants et les dirigeants palestiniens doivent quitter le Liban, pays de la ligne de front, pour la Tunisie, assurés par les Nations unies de la protection des civils restés dans les camps de réfugiés. En septembre 1982, pourtant, elles n'empêcheront pas le massacre des réfugiés des camps de Sabra et Chatila (à Beyrouth) par les milices phalangistes libanaises, alors que les camps sont cernés et éclairés par les troupes d'Ariel Sharon…

Le départ du Liban amène l'OLP à repenser sa stratégie. La première Intifada (qui commence dans la bande de Gaza en décembre 1987), recentrera le conflit sur le territoire occupé lui-même. Née de la réorganisation de la société civile durant vingt années d'occupation militaire, elle fait de l'indépendance le mot-clé de la résistance. Cette part du peuple palestinien connaît le prix de l'occupation militaire, de la colonisation de peuplement qui a commencé dès 1967 sur la spoliation de ses terres et de ses ressources (principalement en eau, denrée rare), et de la répression armée. L'OLP accepte le principe de l'édification d'un État palestinien « sur tout ou partie du territoire libéré ». Le mot d'ordre « deux peuples, deux États », s'écrit sur tous les murs de Palestine en dépit de la férocité de la répression. Avec l'espoir de bâtir l'État palestinien sur ces 22 % de la Palestine mandataire que sont la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est, quitte à accepter le fait accompli d'un État israélien sur 78 % de ce territoire.

Une négociation directe entre occupants et occupés

La chute de l'Union soviétique et la fin de la guerre froide ouvraient la voie, dans les discours officiels, à un nouvel ordre international fondé sur le droit international. L'ère nouvelle a en fait débuté par une guerre contre l'Irak en 1991 qui venait d'envahir le Koweït voisin, puis plus de dix années d'embargo contre le pays avant son invasion par les États-Unis et de leurs alliés en 2003. Difficile alors de refuser, après plus de 24 ans d'occupation par Israël, une négociation réclamée par les Palestiniens…

Washington finit par en accepter le principe, voyant dans l'occupation de la Palestine le verrou à l'entrée dans le grand marché arabe alors que la mondialisation économique commence à s'organiser. Washington condamne alors, à cette époque, la colonisation israélienne comme le principal obstacle à la paix. La négociation israélo-arabe débutera en 1991, même si les dirigeants israéliens exigent alors que les Palestiniens n'aient pas de délégation propre (ses membres feront partie de la délégation jordanienne), que n'en soient membres ni des réfugiés ni des Hiérosolymites (Jérusalémites), et que l'OLP en soit exclue. Cette exigence fera long feu.

Le 13 septembre 1993, négociée à Oslo puis parrainée par les États-Unis, la « Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d'autonomie des territoires palestiniens » ouvre la voie à une négociation entre représentants palestiniens et israéliens censée conduire à la paix entre les deux peuples et à la coexistence pacifique entre leurs États indépendants. Limitée à cinq ans au plus, la négociation, fondée sur le droit international, doit porter sur les modalités de sa mise en œuvre. Elle prévoit deux étapes. La première passe par l'évacuation progressive d'Israël du territoire occupé depuis 1967. La seconde porte sur les dossiers centraux du conflit : les colonies israéliennes, le statut de Jérusalem, le territoire de l'État palestinien et ses frontières avec Israël, les droits des réfugiés, l'eau, la sécurité. Fondée sur les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui reposent sur l'inadmissibilité de l'occupation de territoires par la force, elle se poursuivra sous parrainage américain et soviétique, puis américain et russe, et en fait américain. Elle s'amorce par une reconnaissance « réciproque », mais dissymétrique entre l'État d'Israël et l'OLP. Situation inédite dans l'histoire : des institutions nationales palestiniennes se mettent en place à l'issue d'élections, dans un territoire où l'occupation ne cesse pas. En fait, ni le calendrier de la négociation ni son fondement ne seront respectés.

Et la colonisation s'intensifie

En juillet 2000, la négociation « finale », à Camp David, n'aboutit pas. Au droit international, les représentants israéliens substituent le concept d'« offre généreuse » : un projet de restitution partielle de territoires morcelés, sans Jérusalem-Est, et sans droit au retour des réfugiés palestiniens. Le refus du président palestinien permet à la droite au pouvoir à l'issue de l'assassinat d'Yitzhak Rabin d'entamer une campagne nationale et internationale sur « l'absence de partenaire palestinien » et la vacuité de la négociation. En réalité, ces années ont surtout été celles d'un processus ininterrompu de constructions de colonies sur des terres volées aux Palestiniens : le nombre de colons a doublé depuis Oslo, et la deuxième intifada qui suit la « visite » d'Ariel Sharon sur l'esplanade des mosquées à Jérusalem subit une répression massive et meurtrière qui vise notamment à la militariser, pour qu'elle ne bénéficie pas de la vague de sympathie internationale soulevée par « l'Intifada des pierres ».

Les dirigeants israéliens rejettent aussi les résultats encourageants d'une négociation poursuivie malgré tout à Taba à l'hiver 2000-2001. L'échec de la stratégie de négociation du Fatah (OLP) faute d'un rapport de force suffisant fera aussi le lit de la résistance islamique (Hamas) qui se fourvoie un temps dans une politique d'attentats, à la fois meurtriers et aux effets politiquement dévastateurs. La division politique sur la stratégie et les objectifs à adopter pèse sur la résistance palestinienne.

La Palestine demeure occupée. La bande de Gaza (dont l'armée et les colons se retirent en 2005) assiégée et régulièrement bombardée. Israël érige à l'intérieur de la Cisjordanie occupée un vaste réseau de murs condamné par la Cour pénale internationale et les Nations unies, qui intègre de facto les grands « blocs » de colonies et les principales réserves d'eau à son propre territoire. Il sépare surtout les villes, villages et camps de réfugiés entre eux, et les traverse même parfois, morcelant le territoire palestinien en une multitude de microconfettis enclavés et cernés.

Une kyrielle de checkpoints militaires contrôle tout mouvement de la population à l'intérieur même du territoire palestinien. Toute économie palestinienne indépendante est inimaginable dans ces conditions et la majorité de la population, pourtant formée et très qualifiée, est réduite au chômage ou à l'extrême précarité.

Pour étendre ses colonies, toutes illégales au regard du droit international, et en construire de nouvelles, Israël a mis en place des lois séparées entre Palestiniens et colons israéliens et, au-delà des spoliations des Palestiniens, multiplie aussi les destructions de maisons et les déplacements de population. Jérusalem demeure coupée du reste de la Cisjordanie, la colonisation s'y renforce, le messianisme religieux y fait de ravages qui vise à confessionnaliser un conflit colonial.

Un vaste réseau de routes réservées aux seuls colons et interdites aux Palestiniens relie les colonies à Israël, créant en revanche entre eux une continuité territoriale. La violence des colons demeure impunie. Celle de l'armée accompagne la répression de toute résistance. Plus de 850.000 Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes.

Cinquante ans d'impunité

Lorsque la négociation israélo-palestinienne a commencé, le premier ministre Yitzhak Shamir (Likoud, à droite) déclarait qu'elle durerait éternellement ; pourvu qu'elle n'aboutisse pas. Après l'échec de 2 000, son successeur Ariel Sharon annonçait : « il faut achever ce que nous n'avons pu achever en 1948 ». Donc l'expulsion des Palestiniens pour accaparer l'ensemble du territoire.

À l'issue des bombardements de la bande de Gaza par l'aviation israélienne à l'hiver 2008-2009, le juge sud-africain Richard Goldstone, mandaté par les Nations unies, mettait en avant la culture de l'impunité comme l'obstacle majeur à la paix.

De fait, c'est bel et bien cette impunité internationale qui permet à Tel-Aviv de violer toutes les règles du droit international et de pérenniser une occupation coloniale parfaitement anachronique. La résistance palestinienne a certes marqué des points. Notamment en obtenant la reconnaissance de l'État de Palestine comme membre observateur des Nations unies, au grand dam de Tel-Aviv et de Washington. Mais sur le terrain, les faits accomplis et unilatéraux de la colonisation se poursuivent rendant à terme caduc l'espoir d'établir un État palestinien indépendant à côté d'Israël.

La France avait du reste en janvier 2016 fait ce constat, pointant les dangers de la colonisation et l'échec d'une négociation réduite à un tête-à-tête aussi inégal. Laurent Fabius proposait alors un changement de méthode, avec un cadre et un calendrier pour la négociation, promettant en cas d'absence de résultat sous deux ans de reconnaître l'État de Palestine. François Hollande a balayé cette promesse, et son successeur n'entend pas davantage s'y plier.

En fait, au lieu de sanctionner l'occupation et la colonisation, l'Europe, notamment, n'a eu de cesse de développer avec Israël des relations commerciales, économiques, technologiques, stratégiques, comme avec aucun autre État non européen. Cette Europe, continent où s'est perpétré le génocide nazi des Juifs, confond lutte contre l'antisémitisme et refus de dénoncer les crimes israéliens. Ce qui, d'ailleurs, ne peut qu'alimenter dangereusement les amalgames, la confusion, et même l'antisémitisme des imbéciles.

C'est dans ce contexte que 171 organisations non gouvernementales palestiniennes, soutenues par les associations palestiniennes de défense des droits humains, ont lancé en 2005 un appel à une solidarité internationale non violente pour défendre le droit international, passant par le « BDS » (boycott, désinvestissement, et sanctions). Un mouvement que les dirigeants israéliens entendent criminaliser, relayés par de rares États, comme la France. C'est d'ailleurs dans ce cadre que la CGT, qui n'est pas favorable au boycott global d'Israël, mais s'inscrit totalement dans la campagne d'interdiction des produits fabriqués dans les colonies, a su, par la voix de Bernard Thibault alors secrétaire général, être signataire de l'appel initié par Stéphane Hessel pour la relaxe des militants poursuivis pour leur participation à des actions de boycott. Un soutien renouvelé en décembre dernier 2013, à l'occasion d'une délégation commune auprès de la Garde des sceaux d'alors.

Dans un contexte régional troublé, l'occupation de la Palestine demeure à la fois une injustice et un abcès de fixation dangereux. Restituer ses droits au peuple palestinien ne garantira pas seul la paix, mais c'en est une condition sine qua non. Après cinquante ans, il serait temps d'imposer enfin le respect du droit international.