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Finances publiques

Agences comptables : le ministre Darmanin contraint de rétropédaler à Bobigny

18 juin 2019 | Mise à jour le 20 juin 2019
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Après des mois de mobilisation contre la mise en place des agences comptables, qui mettraient en cause l'indépendance du contrôle public sur la gestion de collectivités, la CGT 93 et la fédération CGT des finances publiques obtiennent le retrait de la candidature à l'expérimentation de la ville de Bobigny. Une victoire qui en appelle d'autres.

Instaurée par la loi de finances 2019 (article 243), la mise en place d'agences comptables fait l'objet d'une expérimentation au sein d'une trentaine de communes et de collectivités territoriales qui se sont portées candidates pour tester ce projet. Parmi elles, la mairie de Bobigny, qui avait été retenue par Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, en dépit de tout bon sens : « Nous avions alerté aussi bien le préfet de Seine–Saint-Denis que le ministre sur les risques majeurs d'un tel projet dans une ville qui fait l'objet d'une enquête préliminaire du parquet national financier à la suite d'un rapport accablant de la chambre régionale des comptes publié en 2018 », précise Manu Valesco, secrétaire général de la CGT finances publiques de Seine-Saint-Denis.

L'indépendance du contrôle des deniers publics en jeu

Résolument opposés à ce projet d'agences comptables qui viendraient se substituer, à partir de 2020, aux trésoreries municipales indépendantes, les syndicats de la DGFIP (CGT, FO, CFTC, Solidaires) n'ont eu cesse de dénoncer l'article 243 de la loi de finances 2019. Et d'en exiger l'abrogation. Au cœur de cette contestation, l'abolition du principe de séparation entre l'ordonnateur – le maire ou la collectivité de communes – et le comptable – jusqu'ici, un agent de la DGFIP – chargé de contrôler le bon usage des deniers publics par la commune ou la collectivité et d'en garantir l'efficacité.

Des comptables aux ordres des élus

Or l'agence comptable, telle qu'elle est conçue par le gouvernement, va permettre à l'ordonnateur de choisir ses comptables. Qu'ils soient recrutés au sein de la DGFIP ou issus du secteur privé, dans les deux cas, ces comptables détachés de la fonction publique territoriale seront de facto aux ordres de l'ordonnateur, qui pourra exercer sur eux toutes sortes de pressions. « Il deviendra alors une sorte de comptable d'entreprise subordonné à un élu, et au diable l'indépendance du contrôle public vis-à-vis du pouvoir politique », prévient la CGT finances publiques 93.

L'AMF s'inquiète d'un désengagement de l'État

Ce danger pointé par les syndicats n’a pas échappé à l’association des maires de France. Dans un communiqué du 4 avril, l’AMF tire la sonnette d’alarme sur la suppression du principe de séparation entre ordonnateur et comptable et en demande le maintien au nom de la garantie d'efficacité et de protection pour les élus et les finances des collectivités. A l’unisson avec les syndicats qui dénoncent un désengagement évident de l’Etat dans les territoires, l’AMF pointe elle aussi un risque d’accélération de fermetures des trésoreries « illustration du retrait des services de l’Etat dans les territoires ».

Sentiment de relégation

En rappelant le rôle essentiel des centres de finances publiques de proximité auprès des collectivités et des contribuables, l'AMF prévient : « La disparition d'un service de proximité risque encore d'accentuer le sentiment de relégation et d'abandon des habitants de ces territoires, notamment dans les zones rurales. » Bien qu'ils ne soient pas mentionnés, les gilets jaunes et leurs revendications auront indéniablement eux aussi offert une caisse de résonance aux inquiétudes exprimées par l'AMF et les syndicats.

Contre l'article 243, la CGT poursuit le combat

Tout en se réjouissant d'avoir contraint Gérald Darmanin à revoir sa copie sur la sulfureuse candidature de Bobigny, la CGT finances publiques reste sur le pied de guerre contre l'article 243. D'autant que l'expérimentation se poursuit dans d'autres communes. Celle de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), parmi les premières à candidater à l'expérimentation, a été opportunément sortie de la liste du ministre au moment, providentiel, où s'ouvrait le procès du maire de la commune, Patrick Balkany, accusé de corruption passive, prise illégale d'intérêts et blanchiment. De quoi encourager les opposants à l'article 243 à poursuivre le combat gagné à Bobigny. « Nous continuerons à nous y opposer et à mobiliser les agents et les usagers contre ce recul républicain et de la démocratie qui consiste à affranchir les collectivités d'un contrôle indépendant de l'utilisation des fonds publics. »

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