À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
MÉDIAS

Des sujets qui fâchent

9 septembre 2017 | Mise à jour le 11 septembre 2017
Par
Des sujets qui fâchent

Quel point commun entre les enquêtes en BD du numéro 17 de La revue dessinée ? La loi du profit de quelques-uns au détriment du bien commun apparaît comme une évidence, qu'il s'agisse des algues vertes, des Balkany, du trafic de drogue, du droit d'asile ou des travailleurs sans contrat d'Uber.

Les enquêtes sont un genre journalistique qui se prête volontiers à l'illustration par la bande dessinée. Avec dix-sept numéros parus La revue dessinée a fait ses preuves, qui marie journalisme et BD avec bonheur et se décline même en une version pour les ados, la revue Topo.

Les sujets choisis dans la livraison de cet automne 2017 traitent majoritairement de la manière dont le système capitaliste ultralibéral actuel sacrifie les biens communs au profit de groupes d'individus, en creusant les inégalités.
Une évidence pour l'enquête « Algues vertes, sur la plage abandonnée » – d'Inès Léraud, sur les dessins de Pierre Van Hove –, qui montre très clairement comment le littoral breton et les contribuables que nous sommes paient fort cher la politique d'agriculture intensive mise en place depuis 1960.

Depuis quarante-six ans maintenant, les côtes bretonnes sont touchées par les « marées vertes », avec 137 sites impactés. Avec intelligence, cette enquête montre que ce n'est pas l'agriculture qui est responsable, mais bien son industrialisation qui profite aux groupes agroalimentaires, à la FNSEA, aux coopératives, aux banques, sans oublier les chambres d'agriculture et des représentants de l'État. Tout ce joli monde se coopte, permute et se partage de juteux bénéfices sur le dos des éleveurs (à la fois stigmatisés et pris en étau par leur endettement), au détriment des animaux maltraités et de la nature abîmée. Des animaux et des personnes ont même payé de leur vie l’exposition aux émanations d'hydrogène sulfuré dégagées par les algues vertes. En 2017, l'infestation s'est étendue à Noirmoutier, Oléron et Ré…

Uber, sans choix ni loi

Bien différente, mais tout aussi profitable à ses promoteurs au détriment des droits des travailleurs, la dérégulation de l'activité de chauffeur privé qui crée le statut de voiture de tourisme avec chauffeur (VTC) dans lequel s'engouffre la société américaine Uber, miroir aux alouettes tendu à des jeunes sans emploi (notamment issus des cités) qui souhaitent « s'en sortir ».

« Uber, sans choix ni loi » est une enquête d'Alexia Eychenne, dessinée par Thierry Chavant, qui invite à suivre le parcours de Kamel. Employé comme paveur, licencié pour motif économique, il se lance dans l'aventure Uber.

Pendant que la société Uber est valorisée à hauteur de 68 millions d'euros et renforce son capital une dizaine de fois – avec des investisseurs tels que Jeff Bezos (Amazon), les banques Goldman Sachs et Morgan Stanley, Baidu (équivalent chinois de Google), le conglomérat Tata, Microsoft, le Quatar et le fonds souverain saoudien) –, Kamel déchante.
Comme paveur, Kamel gagnait 1 800 € mensuels pour 35 heures, bénéficiait de ses congés payés légaux. Avec Uber, Kamel travaille désormais pour un montant de 1 200 € net, et ce douze heures par jour dans la voiture qu'il a achetée. Ses horaires décalés, sa durée de travail quotidienne et ses cadences impactent rudement sa santé et sa vie familiale.
L'enquête décrypte aussi tout le système, et notamment le business plus ou moins légal autour de l'ubérisation, comme la loi LOTI (qui permet la création de sociétés sous-traitantes d'Uber). Elle montre aussi les positions des élus de tous bords et, rappelle l'intervention de l'Urssaf pour requalifier les chauffeurs Uber en salariés et la fronde des taxis contre cette concurrence « sans droits ni lois ».

Balkany, le couple infernal

Avec son humour grinçant, « Bienvenue chez les Balkany », de Julien Martin, dessiné par Grégory Mardon, n'est pas moins politique. Dans son « royaume » de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), le couple Isabelle et Patrick Balkany fait régner un clientélisme électoral assumé depuis 1982 dans ce département, le plus riche de France après Paris.
Entré en politique sous la houlette de Charles Pasqua à la faveur d'une élection cantonale, Patrick Balkany est bombardé vice-président du conseil général… Il permutera, cumulera ou échangera ensuite nombre de mandats avec son épouse.
Le début d'une histoire très bling-bling où le couple infernal ne reculera devant aucune manœuvre – car, comme Patrick Devedjian, Nicolas Sarkozy, Balkany est adepte du système Pasqua – virant tout d'abord sans ménagement syndicalistes et communistes de la ville afin d'avoir les mains libres. Entre leurs amis du showbiz et autres sportifs médaillés ou promoteurs immobiliers, les Balkany mènent grand train.

Mais aujourd'hui, après de multiples mises en examen (scandale des HLM du département, compte caché en Suisse et dans la partie hollandaise de l'île de Saint-Martin, financement du RPR, abus de biens sociaux, etc.), le couple devrait bientôt avoir à s'expliquer devant la justice lors d'un procès…

Non moins passionnantes « Justice, la loterie du droit d'asile » et « Paris-Cayenne, grandes lignes et cocaïne » complètent le sommaire de ce numéro passionnant où le lecteur retrouvera avec plaisir les rubriques habituelles, chroniques, décryptages et sélections de lectures.