À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Économie

Loi PACTE : un fourre-tout d'une grande cohérence libérale

19 juin 2018 | Mise à jour le 20 juin 2018
Par | Photo(s) : Flickr / Amerune
Loi PACTE : un fourre-tout d'une grande cohérence libérale

Le gouvernement a mis sur les rails ce lundi son projet de loi sur la croissance des PME, dite loi PACTE pour « Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises ». De la suppression des seuils sociaux et fiscaux à l'assouplissement des règles pour l'épargne retraite, ce texte poursuit et complète le panel des réformes libérales entamées avec les lois Macron.

Les mesures du projet de loi sont censées favoriser la croissance et le financement des entreprises, les libérer des contraintes qui les empêcheraient de créer des emplois, redéfinir leur rôle et leur place dans la société. Il fallait donc accéder à de vieilles revendications patronales.  Le Medef ne pouvait se satisfaire d'avoir obtenu par les ordonnances de réforme du Code du travail, la fusion des instances représentatives du personnel (CE et CHSCT) dans les CSE qui va drastiquement réduire le nombre des représentants du personnel.

Avec la loi PACTE, il obtiendrait ainsi la baisse des seuils sociaux et fiscaux qu'il revendique de longue date. L'obligation de mettre en place un local syndical commun ou de communiquer aux actionnaires les rémunérations les plus élevées ne s'appliquerait qu'aux entreprises de plus de 250 salariés au lieu de 200. Supprimé aussi le seuil de cotisation sociale de 20 salariés avec à la clé une économie de près de 500 millions d'euros pour les entreprises, qui ne seront plus soumises à certaines contributions – comme la participation à l'effort de construction via Action Logement.

Mieux encore, pour sécuriser les entreprises qui hésiteraient à franchir les seuils en embauchant, la loi PACTE leur offre un délai de cinq ans avant que les nouvelles obligations ne deviennent effectives. Si on ne l'avait pas encore compris, le message est clair : la citoyenneté des salariés, leur droit d'expression et d'intervention, les syndicats qui les rassemblent sont un coût insupportable, un frein à la compétitivité. D'ailleurs dans le même agenda parlementaire, le Medef aura aussi vu adopter le texte sur le secret des affaires qui vise à bâillonner juridiquement l'expression des salariés, notamment, sur les agissements des sociétés. Nul doute que ces libertés nouvelles vont permettre de planquer sous le tapis bien des scandales fiscaux, sanitaires, environnementaux. Pour parfaire l'opacité, le projet va relever les seuils à partir desquels l'audit et la certification par un commissaire aux comptes sont obligatoires.

Favoriser la capitalisation

Pour « mieux associer les salariés aux fruits de la croissance », le projet prévoit de développer l'intéressement et la participation, notamment au sein des petites et moyennes entreprises. Selon le service statistique du ministère du Travail, seuls 54,9 % des salariés ont accès à un dispositif de participation, d'intéressement ou d'épargne salariale (PEE, Perco). Cette proportion tombe à 16,5 % dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et à 12,5 % chez les moins de dix. « Nous voulons doubler le nombre de salariés qui en bénéficient », a expliqué le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, porteur du projet de loi. Il assouplit le fonctionnement de l'épargne retraite, de façon à doper ce produit financier, qui représente aujourd'hui à peine 200 milliards d'euros d'encours contre 1 700 milliards pour l'assurance-vie. L'épargne retraite deviendrait un produit unique permettant de transférer entre eux les principaux produits d'épargne retraite (Perp individuel, Perco collectif, contrats Madelin…).

« Aux garanties collectives actuelles du système de retraite universel par répartition, analyse la CGT, se substitueraient des garanties individuelles directement liées à l'entreprise via des plans d'épargne retraite, avec tous les risques que cela suppose quant au montant des pensions que le salarié percevra au moment de sa cessation d'activité professionnelle ». Par ailleurs, le « forfait social », payé sur les produits d'épargne salariale, serait supprimé pour les entreprises de 0 à 250 salariés en ce qui concerne l'intéressement, et pour les entreprises de 0 à 50 salariés en ce qui concerne la participation. Des mesures qui à n'en pas douter vont inciter les entreprises à substituer ces mécaniques d'épargne aux augmentations de salaire en bonne et due forme beaucoup plus lourde et plus engageante.

Les versements d'intéressement et de participation ont l'intérêt de diminuer ou cesser, en cas de retournement des affaires. Pour la CGT qui a dévoilé 37 propositions alternatives à ce projet de loi, « l'intéressement et la participation viendraient prendre le pas sur le salaire (garantie collective fondée sur les qualifications et classifications). Parmi les conséquences d'une telle individualisation, il y a le risque d'avoir, pour les salariés, des rémunérations aléatoires et à plusieurs vitesses, avec pour rêve ultime de transformer le salarié en actionnaire pour mieux l'asservir, et surtout de renforcer la logique actionnariale dans la gestion de l'entreprise ».

Vente des bijoux de famille

Le projet de loi Pacte entend aussi en finir avec les contraintes légales qui obligent l'État à détenir la majorité des parts d'Aéroports de Paris, le tiers du capital ou des droits de vote d'Engie, et qui figent la détention publique de La Française des jeux, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles privatisations avec par exemple comme conséquence pour les ménages la fin progressive des tarifs règlementés du gaz d'ici au 1er juillet 2023. La vente des bijoux de famille aurait pour objectif selon Bruno Le Maire de « récupérer des moyens pour financer l'investissement », à travers le fonds pour l'innovation de 10 milliards d'euros promis pendant la campagne présidentielle par Emmanuel Macron. Il aurait pour mission de contribuer au désendettement de l'État, au financement de start-up (70 millions d'euros par an) et à la mise en œuvre de projets d'« innovation de rupture » (intelligence artificielle, nanotechnologies) pour 140 millions d'euros.

Le projet de loi Pacte devrait être examiné en commission spéciale avant le projet de loi de finances (PLF), en septembre à l'Assemblée nationale.