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Le grand Tout et les « gens de rien »

Véronique Lopez
4 juillet 2017 | Mise à jour le 4 juillet 2017
Par | Rédactrice en chef de la NVO
La toute-puissance a des faiblesses. Alors qu'Emmanuel Macron se rêve en Jupiter et que son ministre de l'Économie se compare à Hermès, les petites phrases du président, ou de ses ministres, en disent beaucoup de l'inconscient de ceux qui nous gouvernent. De la morgue et de l'indécence des représentants de cette République en Marche !

Alors qu'il inaugurait la halle Freyssinet et sa pépinière de start-up, Emmanuel Macron a renoué avec son démon : le mépris de classe. Après ses répliques cinglantes sur les ouvrières illettrées de Gad ou sur les costumes, il a livré, jeudi 29 juin, sa conception ferroviaire de la mixité sociale : « Dans les gares, se croisent des gens qui ont réussi et des gens qui ne sont rien. » Une pensée forte quoiqu'énigmatique. Elle ne dit pas, en effet, dans quelles catégories ranger les banlieusards qui font des allers-retours en RER ? Tous ces employés, ouvriers, fonctionnaires, chercheurs, cadres… qui, chaque jour, se lèvent pour aller travailler, faire fonctionner la société qu'Emmanuel Macron a l'honneur de présider. Parce qu'ils voyagent sans sacs Hermès, sans déjeuner d'affaires sur l'agenda électronique, sans abonnement première classe payé par l'entreprise… sont-ils, aux yeux de notre président, « des gens qui ne sont rien » ?

À moins qu'il ait voulu parler des clochards, rebaptisés SDF, qui squattent les gares, bardés de sacs Tati ou de caddies de supermarchés pour trimballer leurs richesses à eux : un duvet, une gamelle et tout un bric-à-brac infernal qui dit leur misère sociale et, pour lesquels, Monsieur le président, un plan d'urgence serait… urgent. Est-il sur les rails ? Non, car l'urgence c'était Versailles, le Congrès, la conception hautaine, royale, jupitérienne de notre président de la République. L'urgence, c'est encore, dès le 10 juillet et pour la rentrée, ces ordonnances qui nous promettent la casse du Code du travail.

Entre-temps, la ministre dudit Travail, Muriel Pénicaud, a eu le loisir de livrer sa conception bien à elle de la codification actuelle. « On a un Code du travail qui, en gros, n'est fait que pour embêter 95 % des entreprises […] », a-t-elle confié, vendredi 30 juin, aux journalistes du Club de l'économie du Monde. Des propos qui sont la négation même de la raison d'être du droit social. C'est parce que le contrat de travail est, par essence, déséquilibré, en raison du lien de subordination auquel est soumis le salarié, qu'un ensemble de lois est venu protéger la partie faible du contrat (le salarié) face à la partie forte (l'employeur). Faut-il pour autant soupçonner Muriel Pénicaud d'être ignare en la matière ?

Que nenni. Édouard Philippe, le Premier ministre, nous assure qu'elle « a une connaissance intime du Code du travail ». Et, même la CGT ne le nie pas. Sa fédération de l'agroalimentaire a d'ailleurs remarqué que, chez Danone, l'ex-DRH a su « au nom de la compétitivité, organiser la casse des emplois et des conditions de travail », en instaurant « le flicage permanent, le non-remplacement des effectifs, la réorganisation permanente, l'augmentation des cadences… ». C'est sans doute grâce à cette « connaissance intime du droit du travail » que Danone a pu supprimer 900 postes en Europe, dont plus de 200 en France, en 2013. Et ce alors que le Code du travail est si lourd, si rigide, si complexe…