À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CINÉMA

Fuir la guerre, coûte que coûte

2 septembre 2015 | Mise à jour le 3 mars 2017
Par | Photo(s) : Paul Arnaud/Why Not Productions
Fuir la guerre, coûte que coûte

Avec Dheepan, Palme d'or au dernier festival de Cannes, Jacques Audiard, cinéaste phare du cinéma français, livre un portrait de société sans concession. Sur les migrants et nos banlieues. Un beau film, non sans failles.

Le regard bas, le geste las, il regarde brûler des corps et son costume militaire dans la nuit de la jungle. Elle recherche, haletante, une gamine orpheline dans un camp de réfugiés. N'importe laquelle pourvu qu'elle ressemble à celle sur la photo du passeport. Ces trois-là ne se connaissent pas, mais ont un secret en commun : ils ne sont pas la famille qui s'affiche sur les papiers d'identité mais veulent à tout prix quitter le Sri Lanka, fuir la guerre, partir n'importe où.

Ce sera la France et les petites babioles à vendre à la sauvette dans la rue, autour des terrasses blindées de touristes. Puis, l'arrivée dans la banlieue nord parisienne. La gamine va à l'école et intègre rapidement une classe « normale ». Le père est concierge d'une barre HLM, contrôlée par une bande de dealers. La mère décroche un emploi d'aide ménagère chez un locataire. Pas n'importe lequel : l'oncle du caïd en chef de la cité, fraîchement libéré de taule et bien décidé à reprendre les rênes de son commerce et de son fief.

AU CŒUR DE L'ACTUALITÉ

Avec ce scénario à forte densité sociale, Jacques Audiard tape pile au cœur de l'actualité et des enjeux brûlants de société : le sort des migrants, qui a défrayé la chronique tout l'été, et celui des banlieues, qui reste une bombe à retardement. Mais la structure du récit emprunte également les voix du suspens, avec des personnages en évolution, et finit par s'envoler du côté du film de genre. Les deux premiers tiers du film sont clairement une chronique sociale, juste et même délicate, alors qu'au sein de ces trois réfugiés inconnus germe la possibilité fragile d'une cellule familiale. Mais loin de succomber à ceux que d'aucuns qualifieraient d'angélisme ou de niaiserie, Audiard prend le virage de la violence et assume le basculement de son film du côté du genre, côté gangsters.

Et voilà ce vétéran des Tigres tamouls qui prend les armes comme au temps de la guerre civile – depuis 1972 plus de 70 000 morts et plus de 140 000 personnes portées disparues – contre une tripotée de jeunes qui ont la rage au ventre et « un boulot de merde ». Deux guerres sur le même plan ? Non, mais cette dernière partie du film – constituée de nombreuses scènes d'actions et d'un montage plus nerveux – est indéniablement moins réussie. Sans compter l'interrogation finale d'un dénouement britannique en forme de « happy end ». Le salut viendra donc du modèle anglais ?

Va pour que l'élection possible de l'inattendu Jeremy Corbyn aux primaires du Labour nous stimule, mais enfin… Palme d'Or du dernier festival de Cannes, Dheepan semble avoir ramassé les lauriers de toute l'œuvre de Jacques Audiard. On pense à certains de ses grands films comme Sur mes lèvres, Un prophète, De battre mon cœur s'est arrêté.

Car Dheepan n'est pas à ranger dans la catégorie des meilleurs films de Jacques Audiard, mais il a le mérite d'être un bon film populaire. Encore loin des grandes productions grandiloquentes de Luc Besson.

Affiche du film Dheepan, de Jacques Audiard Dheepan, de Jacques Audiard. 1 h 49. Sortie nationale : le 26 août.