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L’éthique en toc de Paprec

3 février 2017 | Mise à jour le 7 juin 2017
Par | Photo(s) : Chamussy / Sipa
L’éthique en toc de Paprec

Alors que la CGT bat campagne pour la défense des libertés syndicales, la répression du syndicalisme, et tout particulièrement de la CGT, bat son plein dans les entreprises.
Entraver, criminaliser, sanctionner, telle semble être la devise patronale en vogue, y compris au sein d'entreprises se revendiquant « socialement responsables ». Le cas du licenciement de Mahamadou Kanté, salarié de Paprec, au moment où il devient représentant syndical CGT de l'établissement de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) révèle une inquiétante dérive de cette politique répressive, qui fait de la CGT et de ses militants une cible privilégiée.

Entreprise florissante du secteur du tri sélectif et du recyclage des déchets, Paprec vante d'enviables résultats (950 millions d'euros de chiffre d'affaires, en croissance de 20 à 30 % par an). Dotée d'une centaine de sites sur l'ensemble du territoire, l'entreprise emploie 4 500 salariés, contre 45 lors de son acquisition en 1994 par l'actuel PDG, monsieur Petithuguenin.

Pile ou face

Côté pile, Paprec affiche la belle image de champion de l'économie verte du XXIe siècle, d'entreprise socialement responsable, aux valeurs éthiques et à la politique salariale fondée sur le respect des personnes et de la diversité (60 nationalités parmi les salariés). Tout cela sous la férule d'un patron à la réputation de « visionnaire éclairé », ouvert au dialogue social lequel, dès 2008, bravait le scandale médiatique en se dotant d'une charte de la laïcité au nom de la paix sociale et de la prévention des conflits à caractère ethnique et/ou religieux.

Côté face, ce beau tableau s'avère nettement moins reluisant, et par endroits en totale contradiction avec les valeurs et l'éthique affichées : exploitation massive de travailleurs sans papiers ou en situation irrégulière ; management par le stress ; mise en concurrence incessante ; isolement ; interdiction de se parler dans et hors de l'entreprise ; incitation à enfreindre les règles de sécurité et de santé, notamment en matière de repos journalier et hebdomadaire des chauffeurs. Pour couronner le tout, la CGT ainsi que celles et ceux qui la représentent sont voués aux gémonies par de zélés chefs d'établissement, en contradiction totale avec la philosophie de l'entreprise.

Employé depuis douze ans chez Paprec Île-de-France sur le site de La Courneuve, Mahamadou Kanté n'avait jamais fait l'objet de la moindre remontrance de la part d'aucun des nombreux directeurs qui se sont succédé ici.

« Je vais te pourrir la vie »

En septembre, dénonçant une dégradation inquiétante de leurs conditions de travail, plusieurs salariés ont demandé et obtenu de l'UL CGT de La Courneuve la création d'une section syndicale CGT, dont Mahamadou Kanté a accepté d'être le représentant syndical. Mauvaise pioche pour l'irréprochable salarié qui, suite à de nombreuses agressions verbales et physiques de la part de son chef de site, s'est vu gratifié d'une mise à pied conservatoire le 4 octobre.

« Je vais te pourrir la vie, à toi et à toute la CGT », aurait proféré à maintes reprises son chef hiérarchique, selon les témoignages de plusieurs salariés, choqués par les représailles aux airs de cabale contre le représentant de la CGT. Convoqué à un entretien préalable à licenciement le 16 décembre pour « comportement violent envers sa hiérarchie », Mahamadou Kanté continue de refuser de se plier aux injonctions coercitives de sa direction qui, tantôt l'enjoint de « négocier » sa démission, tantôt l'accuse de vouloir monnayer son départ.

Fort des témoignages de plusieurs collègues et des nombreuses mains courantes signalant les maltraitances dont il a été victime depuis la création de la section syndicale, Mahamadou entend bien obtenir justice et préserver son emploi. À la demande de Paprec Île-de-France, Monsieur Kanté fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement auprès de l'inspection du travail. Celle-ci va diligenter une enquête contradictoire courant janvier dont les conclusions seront rendues sous deux mois.

Déterminés à obtenir l'annulation du licenciement, les membres de l'UL CGT de La Courneuve organisent la solidarité financière en soutien à Mahamadou Kanté, sans salaire depuis le 16 décembre.

Contactée par la NVO, Paprec a nié les faits : « Nous ne pratiquons évidemment pas de discrimination syndicale », a assuré madame Troadec, la directrice générale adjointe de Paprec chargée des ressources humaines. Ne reste plus qu'à convaincre son directeur de l'établissement de La Courneuve d'adhérer à l'éthique de l'entreprise. Et de faire sienne cette belle philosophie du respect des individus, et de leurs libertés syndicales.