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GENERAL ELECTRIC

L’Europe n’est pas un supermarché

25 avril 2016 | Mise à jour le 15 février 2017
Par | Photo(s) : Thomas Samson/AFP
L’Europe n’est pas un supermarché

Le conglomérat américain qui a acquis l'ensemble des activités énergie d'Alstom, brevets et technologies compris, est plus intéressé par le business que par l'industrie. La mobilisation européenne se poursuit pour contrer une restructuration qui tourne le dos aux besoins de la France et de l'Europe.

Socialement inacceptable et particulièrement dangereux pour l'avenir industriel de la France et de l'Europe. C'est la double caractéristique du plan de restructuration annoncé en début d'année par la direction de General Electric (GE).

Avec, à la clef, la suppression de 6 400 emplois d'ici 2018 dans les différents pays de l'UE, frappant les anciens salariés d'Alstom passés sous la coupe du conglomérat américain en fin d'année dernière.

Pour Bernard Devert, conseiller fédéral à la FTM-CGT, ce plan n'a d'autre fondement que l'exigence de gains financiers toujours plus importants. En la matière, le groupe américain, au 6e rang mondial avec plus de 284 milliards de placements financiers sur la planète, s'est forgé une solide réputation. Fidèle à ses actionnaires, il leur a versé 26 milliards en 2015.

Après avoir énoncé son objectif d'un taux de rentabilité de 16 %, il vient de rectifier le tir en visant les 18,3 %. Dans le secteur de l'énergie, Alstom atteignait 9 à 10 %. Le quasi-doublement du taux de rentabilité financière aurait des conséquences dramatiques dont l'actuel plan de restructuration ne constituerait qu'une première étape.

On sait désormais que GE a provisionné quelque 34 milliards de dollars, en vue de futures restructurations un peu partout dans le monde.

UN CONTRE-EXEMPLE PLUS QU'UN EXEMPLE À SUIVRE

Pour éclairer ses intentions, il n'est pas inutile de rappeler qu'à l'ouverture des discussions avec Alstom et le gouvernement français, début 2014, le conglomérat américain ne souhaitait pas acquérir la totalité de l'activité énergie du groupe français.

Seuls les domaines dans lesquels il opérait déjà et qui pouvaient répondre à ses exigences financières étaient dans son viseur, comme les turbines au gaz. D'ici à penser qu'une fois la transaction scellée, GE n'aurait qu'une envie, celle de se séparer du reste des activités acquises, il n'y a qu'un pas. Peu importe le contrat finalement conclu puisque GE a aussi la réputation de ne jamais respecter ses engagements.

L'Américain s'y engageait notamment à assurer la pérennité des sites Alstom pendant les deux années à venir et à créer 1 000 emplois supplémentaires sur la même période.

Arnaud Montebourg, alors ministre de l'Économie et du redressement productif se réjouissait de l'accord conclu, le présentant même comme un modèle du genre. Ainsi déclarait-il, le 14 juin 2014, sur le plateau de BFM : « Nous avons demandé des engagements, avec des pénalités financières, de l'ordre de 50 000 euros par emploi non créé » (…) « Pour la première fois, une entreprise mondiale accepte de prendre des engagements avec des pénalités s'ils ne sont pas tenus. C'est un précédent, cela pourrait devenir un exemple à suivre ».

UNE MAIN MISE PLUS QU'UN PARTENARIAT

Ce que le ministre n'a pas précisé, en revanche, c'est que le contrat révélé par voie de presse aux salariés et à leurs organisations syndicales, envisageait aussi la suppression en France d'ici fin 2018 de 2 237 postes, beaucoup plus que les 785 annoncés aujourd'hui.

Ce qui fut présenté, pour justifier l'éclatement d'Alstom, comme un partenariat porteur d'avenir, se solde en réalité, par « une main mise » de GE sur le secteur industriel de l'énergie en Europe. L'américain, qui y assure désormais le tiers de son activité (les deux autres tiers se répartissant à égalité entre les États-Unis et l'Asie), est devenu un acteur incontournable en Europe et ses exigences financières n'en sont que plus inquiétantes.

Les suppressions de postes programmées s'accompagnent de fermetures de sites et d'abandon pur et simple d'activités, de savoir-faire et de compétences « haut de gamme ». Or, dans ce secteur de pointe, fonctionnant sur des délais longs, une activité interrompue est perdue à jamais, souligne Bernard Devert.

DES BESOINS ÉNORMES DANS TOUS LES SECTEURS DE L'ÉNERGIE

Les besoins dans ce secteur de l'énergie, que tout le monde s'accorde à considérer comme majeur, sont pourtant colossaux. C'est le cas dans la filière nucléaire, par exemple, dont General Electric détient désormais des pans entiers (de l'entretien des centrales à la production des turbines, générateurs, alternateurs, etc.).

Le grand carénage et le renouvellement complet du parc nucléaire à l'horizon 2029 nécessitent des investissements importants pour les professionnels, les femmes, les hommes et dans les machines, plutôt qu'une course à la rentabilité financière qui fragilise singulièrement cette filière.

C'est le cas aussi dans les énergies renouvelables, un secteur pourtant touché par le plan de restructuration annoncé par GE (près d'un millier de suppressions d'emplois dans les éoliennes en Allemagne et en Espagne). L'hydrolienne offshore (la plus grosse du monde) mise au point par Alstom appelle des moyens ambitieux pour passer de la phase d'essai à celui de l'industrialisation.

Il en va de même pour la mise au point et la production des réseaux intelligents indispensables pour harmoniser les vecteurs européens de distribution électrique et intégrer l'énergie issue aussi bien du nucléaire que de l'éolien, ou de l'hydraulique. La Suisse vient de passer commande d'une centrale biomasse que General Electric pourrait bien décider de ne pas honorer, s'il appliquait son plan de restructuration qui frappe notamment le site de Massy (91), dont les ingénieurs sont susceptibles de répondre à cette commande.

STOPPER CETTE PARTIE DE POKER MENTEUR

Les perspectives de développement sont partout, résume Bernard Devert pour qui « il n'est pas acceptable de laisser Général Electric faire son marché en France et en Europe, s'approprier les brevets et technologies pour, ensuite, se livrer à son business ». GE doit s'impliquer, avec les autres acteurs de la filière industrielle de l'énergie. La puissance publique doit intervenir en ce sens et cesser de participer à cette partie de poker menteur.

Les syndicats membres d'Industriall (note ci-après) à l'initiative, le 8 avril dernier, d'une journée d'action marquée par des grèves dans plusieurs pays européens et un rassemblement important sur le parvis de la Défense à Paris, exigent l'annulation du plan de restructuration annoncé. Ils demandent aussi la présentation par General Electric d'une vraie stratégie industrielle.

DES INVESTISSEMENTS IMPORTANTS ET URGENTS

Cela passe par le maintien et le développement des équipes, des embauches d'autant plus nécessaires compte tenu du vieillissement de la population salariée, et des mesures de formation. Cela requiert aussi un plan d'investissement dans les études, la recherche et développement et le parc de production qui, lui aussi, a vieilli au point d'être obsolète dans de nombreuses usines. Cela nécessite également un plan de développement des sites dans tous les pays européens concernés.

En France, la CGT lance un examen site par site, pour évaluer avec les salarié·e·s les besoins et les potentialités. Ce qui contribuera aussi à renforcer la mobilisation en vue de nouvelles initiatives déjà envisagées au plan européen.

 

Fondée le 19 juin 2012, IndustriAll rassemble les affiliées des anciennes fédérations mondiales syndicales : la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines et industries diverses (ICEM) et la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC).


UNITÉ ET CONVERGENCE

Pour Frédéric Sanchez, secrétaire général de la FTM-CGT, une stratégie européenne est indispensable

« Pour combattre des stratégies planifiées au niveau européen, il ne suffit pas de développer l'action dans un cadre national. La mobilisation doit être européenne en convergence entre les salarié·e·s des différents pays où ce groupe est présent. En Europe, il est possible et indispensable de développer des activités industrielles, sauf à vouloir continuer de « gaver » les actionnaires.

Les sommes énormes qui leur sont versées, doivent être réorientées vers l'emploi et l'investissement dans les femmes et les hommes comme dans les machines, pour répondre à la demande et aux besoins.

 

Dans le cas de General Electric, l'enjeu n'est pas mineur puisqu'il s'agit de l'indépendance énergétique de l'Europe et de la santé à travers l'imagerie médicale, une autre activité de General Electric. La journée d'action européenne du 8 avril dernier, rassemblant l'ensemble des organisations syndicales du groupe, a été d'une ampleur jamais vue jusqu'ici.

Elle témoigne de ce que l'unité ne se décrète pas, mais qu'elle est possible quand elle se construit sur le terrain. Avec la fédération Industriall, le syndicalisme en Europe est un outil de solidarité et de mobilisations convergentes. »