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L'exécutif dévoile des principes généraux, mais reste dans le flou sur les retraites

11 octobre 2018 | Mise à jour le 12 octobre 2018
Par | Photo(s) : Luc Nobout / IP3
L'exécutif dévoile des principes généraux, mais reste dans le flou sur les retraites

Agnès Buzyn, Jean Paul Delevoye, réunion multilatérale sur la réforme des retraites. Paris, le 10 octobre 2018.

Le gouvernement a enfin dévoilé ses premiers arbitrages sur la réforme des retraites à l'occasion d'une réunion multilatérale mercredi 10 octobre au ministère des Solidarités et de la Santé. Le Haut commissaire à la réforme des retraites a confirmé la mise en place d'un système universel par points en lieu et place des régimes spéciaux, tout comme la fameuse décote imposée aux retraités faisant valoir leurs droits avant 63 ans.
Extraits du dossier de presse « Premier bilan et orientations de travail. »

« Le système universel de retraite remplacera les 42 régimes de retraite existants ».

« Ce sera un système public, par répartition ».
« Les règles de calcul des droits et les mécanismes de solidarité seront les mêmes pour tous ».
  Les points accumulés tout au long de la vie seront enregistrés dans un compte unique ».
« Les salariés et les fonctionnaires cotiseront au même niveau et, à revenu identique, auront donc les mêmes droits à retraite »
« Dans le système universel, les travailleurs indépendants bénéficieront d'un régime de cotisations adapté. »
« Des points seront accordés pour chaque enfant, dès le premier enfant (…) pour prendre en compte les interruptions
d'activité. »
 » Des pensions de réversion garantiront le niveau de vie des veuves et des veufs après le décès du conjoint. »
« Un dispositif de minimum de pension sera prévu pour les Français ayant travaillé toute leur vie à temps partiel ou avec des revenus modestes. »
« Il y aura toujours un âge légal de la retraite à partir duquel on pourra liquider ses droits. Il restera fixé à 62 ans. »

« Ce n'est pas une nouvelle réforme qui s'est engagée, c'est la construction d'un nouveau système qui repose sur l'universalité des droits », a martelé Agnès Buzyn répondant aux questions au gouvernement dans l'Hémicycle mercredi 10 octobre. Une manière de dire que l'exécutif n'entreprend pas un énième toilettage paramétrique du système, mais qu'il compte bien rebâtir le système né dans l'Après-guerre. La ministre des Solidarités et de la Santé entend construire pour les générations futures un système « plus sûr et plus solidaire« .

Un énoncé de grands principes

L'exécutif a tenté de rassurer en listant quelques « grands principes », comme le maintien des pensions de réversion et du minimum de pension pour les bas salaires et les carrières hachées. Idem pour « les interruptions d'activité » comme le chômage, l'invalidité, la maladie ou la maternité, pour lesquelles des points seront accordés. La réforme changera en revanche les droits familiaux, avec une bonification « pour chaque enfant, dès le premier enfant » et non plus à partir du troisième.

Voilà pour les intentions, mais si le gouvernement et son Haut commissaire ont commencé hier à sortir du bois, c'est surtout pour ne pas continuer à exaspérer les organisations syndicales légitimement fâchées d'apprendre les mauvaises nouvelles par la presse.

Leurs craintes ont-elles été levées ? Rien n'est moins sûr. C'est ainsi que pour Force ouvrière, Pascal Pavageau réclame « que soient faites des simulations » sur des cas pratiques. Pour la CFDT, Laurent Berger qui, le week-end précédent, avait mis en garde le gouvernement contre une remise en cause de l'âge de départ en retraite à 62 ans a trouvé la réunion « utile »  et s'est félicité que le gouvernement ait mis sur la table « un certain nombre d'éléments arbitrés« . La CFTC est ressortie « apaisée » d'avoir « été entendue » sur les « mécanismes de solidarité ».

Pour sa part, la CGT n'est pas ressortie rassurée par ces annonces : « quel montant de pension et à quel âge ? » persiste à interroger la confédération qui estime qu'au-delà des principes généraux,  » le projet ne dit rien et n'apporte aucune garantie « . La CGT relève notamment que si le Haut commissaire et la ministre annoncent un maintien du niveau de cotisation (28 %) et de l'âge d'ouverture du droit à retraite à 62 ans, c'est pour faire croire que le nouveau système maintiendra le niveau de pension et l'âge de départ, avec un supplément de transparence. Mais la CGT affirme qu'il n'en sera rien. Dans un communiqué titré « Quand c'est flou… c'est qu'il y a un loup !« , la CGT explique que si l'on applique « les règles de la retraite complémentaire actuelle en points (Arrco-Agirc) à la totalité du salaire, une pension de 1600 euros passerait à 1000 euros« .

Il va donc falloir que le gouvernement explique comment, concrètement, et chiffres à l'appui, il compte maintenir le niveau des pensions et l'âge de la retraite. Comment il compte résister à la pression d'un Medef dont le patron Geoffroy Roux de Bézieux, s'est dit « relativement satisfait dans l'ensemble« , mais persiste à exiger que le futur système de retraite « prenne en compte l'espérance de vie et d'éventuels gains de productivité » . Il plaide pour un mécanisme « qui peut être l'âge pivot« , afin d'inciter les Français à travailler plus longtemps, sur le modèle des retraites complémentaires des salariés du privé qui subiront dès 2019 une décote s'ils partent avant 63 ans.

Sur ce sujet, on ne peut pas dire que Jean-Paul Delevoye soit bien clair. Sur France Inter jeudi matin 11 octobre il s'est défendu de prôner un recul de l'âge de départ après 62 ans, tout en défendant le principe d'une décote imposée en dessous de l'âge de 63 ans. Il a même défendu ce principe au nom d'une liberté de choix. Chacun pouvant arbitrer en connaissance de cause son âge de départ. En réalité, la notion d'âge légal de la retraite à taux plein (actuellement à 62 ans du fait des réformes successives) serait effacée pour cet âge pivot.

Cette réunion de mercredi 10 octobre ouvre une nouvelle phase des réunions de concertation sur la réforme dont Jean-Paul Delevoye a esquissé le calendrier. Cette nouvelle phase courrait jusqu'en avril-mai 2019. Le texte que le chef de l'État voulait voir « voté au premier semestre » pourrait donc être déposé après les élections européennes, pour une adoption « dans le courant de l'année 2019« .