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DIALOGUE SOCIAL

Macron : la forme et le fond

9 octobre 2017 | Mise à jour le 9 octobre 2017
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La semaine dernière, le chef de l'État s'est permis d'attaquer l'action syndicale dans des termes grossiers, pour être certain de faire le buzz. Retour sur des propos visant à culpabiliser les premières victimes d'une gestion industrielle qui nourrit les fonds d'investissement.
Verbatim de la vidéo de l'échange entre Emmanuel Macron et Alain Rousset, président (PS) de la Nouvelle-Aquitaine
– …une fonderie, il y a des marchés jusqu'en 2022 et il n'arrivent pas à recruter »
– À Ussel ? »
– Oui »
Ussel Constellium ! Il y en a certains, au lieu de… foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder…
– Mais…
– … s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas…
Oui, oui, mais…
– Parce qu'il y en a qui ont les qualifications pour le faire…
– Oui, oui, mais je sais bien, mais…
– …et ce n’est pas loin de chez eux j'en ai parlé avec le préfet.
– Oui, mais on ne règle pas le problème d'une manière forcée.

Mépris social assumé

Après cette sortie, l'Exécutif a jugé bon de faire savoir qu'il assumait ces propos « sur le fond », en reconnaissant que cette langue « familière » pouvait choquer. Ce qu'un sondage a confirmé.

Malgré les tentatives d'Alain Rousset pour le  stopper, Emmanuel Macron dans sa démonstration de bon élève lance un message sur le fond. Comme pour les kwassa-kwassa, autre preuve de l'humour très particulier de monsieur Macron ? Le président avance quatre idées dans cet échange rapide avec son interlocuteur.

Coupables d'être au chômage (ils feraient mieux d’aller regarder…)

Son argument : quand on veut travailler, on trouve du travail. On se rappelle les fameux « fainéants » du discours d'Athènes et la remarque élégante sur le costume.

Pour cet homme qui ne connaît pas le « marché du travail » de la « France d'en-bas », il suffit de vouloir pour pouvoir. Il nie la déception de ceux qui, quelques mois après des non-promesses printanières telles que : « je ne suis pas le Père-Noël (…) je vous promets qu'on fera le maximum », voulaient le rencontrer au point de faire 300 km.

Permettons-nous de lui faire leçon de « #vismavie ». À La Souterraine et dans un rayon d’une dizaine de kilomètres qui compte une population d'environ 5 300 habitants (2007), on recense une quarantaine d’offres à Pôle emploi. Certaines datent de près d’un mois, on y voit des offres très spécifiques (ambulancier, kiné…) inaccessibles aux salariés de GM&S. Sans compter les offres à temps partiels, les missions de quelques heures, les propositions de 24 heures hebdomadaires au SMIC à des kilomètres pour des petits boulots qui demandent de la présence tôt et tard dans la journée, etc.

Coupables de mal chercher (avoir des postes là-bas…)

Justement répondrait Jupiter (c'était d'ailleurs le but de sa visite à Égletons) : c'est une question de formation ! Il faut former les chômeurs, car s'ils ne trouvent pas de travail alors qu'il y a des entreprises qui ne parviennent pas à recruter, c'est parce qu'avec l'immobilisme français bien connu, les gens, les « riens », comme ceux qu'on croise dans les gares, frôlant ceux qui ont réussi, c'est parce que les gens, donc, ne veulent, ne savent pas se former ! c'est simple et il faut être loin de la grande marche vers le progrès pour ne pas le comprendre.

Sauf que Pôle emploi offre un peu plus de 500 000 offres, et qu'on compte dix fois plus de demandeurs d'emploi en France. En outre, Pôle emploi travaille avec des « partenaires », souvent des agences d'intérim, qui publient des offres sur le site, parfois en doublon ou triplon. En toute hypothèse, les fainéants et autres assistés préfèrent un travail plutôt que des heures de queue pour entendre ce genre de « mots doux » : « Depuis le temps que vous venez, vous ne connaissez pas les horaires ? » ; « Cinq employeurs ce mois-ci ? Mais vous savez qu'il y a un maximum horaire, en France ? », ou, simplement : «  Ah bah, si votre employeur ne veut pas vous donner votre attestation, je ne peux rien faire. Même pour 7 € le mois dernier qui vous bloquent vos droits. C'est à vous de vous faire délivrer votre attestation employeur ! » ; « Mais ce n'est pas grave, vous finirez bien par être régularisé, à un mois ou deux près ça ne change rien. », comme si les bailleurs et autres banques étaient si patients.

La réalité est rude : il n'y a pas suffisamment d'offres et la culpabilisation de ceux qui perdent leur emploi n'est pas une réponse.

En l'occurrence, Alain Rousset parle de 18 postes à Ussel, alors qu'il y a presque dix fois plus d'ex-salariés de GM&S qui se retrouvent sans emploi.

Coupables de refuser la mobilité (et ce n’est pas loin de chez eux)

Le président, dont on a pu remarquer les méconnaissances géographiques commet une nouvelle bourde, en affirmant qu'Ussel et La Souterraine ne sont « pas loin ». Il oublie que pour couvrir les 140 km qui séparent les deux localités, il faut compter deux heures et demie en voiture à l'aller. Par le train (en changeant à Limoges et Châteauroux), il faut compter entre trois et quatre heures.

Changer de ville pour un travail, pourquoi pas ? Mais M. Macron, qui affirme tenir tant à la cellule familiale, oublie que les petites mains ont aussi des conjoints, des enfants.

Ou coupables d'action syndicale ? (« de foutre le bordel »)

Mais finalement, le fond et la forme se rejoignent dans cette formule de « foutre le bordel ». Pour le président de la République, vouloir le rencontrer, c'est créer du désordre, du bruit et rompre la routine de ses plans de communication. Il aspire aussi à faire taire l’expression des salariés et de leurs organisations syndicales, l’un des objectifs que poursuivent également ses ordonnances réformant le Code du travail. On est donc très loin d’un simple écart de langage qui se voudrait d’une tonalité populaire.

Quelle est cette entreprise d'Ussel qui recrute ?

Ussel Constellium, présentée comme l'usine promise pour les laissés-pour-compte de la reprise de GM&S par GMD, est une ancienne usine du groupe Pechiney. Elle se trouvait en grande difficulté en 2013, au point que sa fermeture était envisagée. C'est son rachat par une entreprise internationale et son entrée en bourse qui ont relancé son activité depuis quatre ans. Son directeur, issu d'Alstom, Jean-Baptiste Foissel, détaille dans un entretien à La Montagne ses perspectives pour les années à venir. Début 2017, il avait construit avec une entreprise d'intérim et Pôle emploi un partenariat de formation par alternance… pour des postes d'intérimaires. Près de la moitié de son effectif est intérimaire. Et s'il déplore, comme le chef de l'État, le manque d'adéquation entre les formations de l'Éducation nationale et des besoins techniques spécifiques (« fonderie sable », par exemple), il reconnaît qu'il est « des métiers qui ne s'apprennent que par la pratique ».
On comprend la méfiance de certains à contracter un tel engagement professionnel.

Rappel par Ouest-France des précédents « dérapages »

Lire l’article de la nvo sur la lutte remarquable des GM&S.