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SERVICES PUBLICS

Services publics : notre bien commun

13 septembre 2018 | Mise à jour le 12 septembre 2018
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Services publics : notre bien commun

Comment réformer l'État afin de réduire de plusieurs dizaines de milliards d'euros la dépense publique… Et plaire à Bruxelles ? Préférant faire endosser la paternité de réponses choc à d'autres, le Premier ministre, Édouard Philippe, a installé en octobre 2017 le Comité Action Publique 2022 (CAP22) et lui a commandé un rapport.

Les 44 hauts fonctionnaires, chefs d'entreprises et économistes du comité, qui ont donné la priorité à la privatisation de missions publiques, ont identifié « une trentaine de milliards d'euros » d'économies possibles « à l'horizon 2022 ». L'exécutif comptait bien garder le document confidentiel jusqu'à l'annonce de ses arbitrages à l'automne, mais celui-ci a fuité, mis en ligne le 20 juillet par le syndicat Solidaire Finances publiques. « Faux experts, faux suspens… Vraies recettes libérales ! » a réagi la CGT Fonction publique. De fait, le CAP22 met en pièce le service public, l'ossature de notre modèle social solidaire.

Privatisation de l'action publique

Velléités de rentabilité obligent, le comité propose que les ministères se centrent sur leur « cœur de mission ». Avec des milliers de suppressions de postes à la clé. Il en a identifié cinq dont « la grande majorité des missions pourrait être confiée à des opérateurs ». Par exemple, à Bercy, le recouvrement de l'impôt et le contrôle, les études économiques ou les missions de la direction générale des douanes pourraient être confiés à des agences. Le domaine des sports serait, quant à lui, « cogéré avec le mouvement sportif ».

Le CAP22 est en effet convaincu que « les citoyens, le monde associatif, les entreprises et les start-up » doivent être associés « à la conception des politiques publiques » et « proposer des offres complémentaires à celle du secteur public. » L'État est d'ailleurs appelé à confier au secteur privé « une partie des tâches réalisées aujourd'hui par l'administration » : réseau routier, restauration, habillement, répression des fraudes… Le service de l'emploi n'est pas épargné : pôle emploi se recentrerait sur l'indemnisation, le contrôle et l'accompagnement des chômeurs les moins autonomes, les autres missions étant ouvertes au marché ou mises en concurrence entre elles.

Les agents soumis aux standards du privé

Côté gestion des personnels, les standards du privé sont convoqués pour « bâtir un nouveau contrat social entre l'administration et ses collaborateurs ». Le service public doit être « plus souple, plus adaptable, plus lisible », la « mobilité » étant promise aux agents. Tout le vocabulaire managérial est mobilisé et repris par la feuille de route gouvernementale.

Elle vise à « donner plus de souplesse pour les employeurs publics dans leurs recrutements », « une rémunération plus individualisée », « un élargissement du recours au contrat ». De plus, en dépit des ravages dus à l'irruption dans des services publics de gestionnaires qui ne connaissent pas la réalité du travail, comme par exemple à l'hôpital, le comité veut « ouvrir les emplois de cadres dirigeants de l'État et des collectivités territoriales à des talents venant du privé ». De même, feignant d'ignorer que le statut de la fonction publique protège usagers et fonctionnaires, il préconise de l'« assouplir» au motif d'« offrir la possibilité d'évolutions différenciées, notamment des rémunérations, entre les trois fonctions publiques ».

Fin de l'égalité d'accès

Tout à sa logique, le CAP22 conteste l'égalité d'accès au service public qu'il voit comme une entrave à la rentabilité recherchée : le service public « ne doit pas conduire à un traitement indifférencié et uniforme des usagers » mais être construit « autour de l'usager et de ses besoins », voire de ses moyens financiers.

En effet, le comité attaque de front la notion de service public en se montrant critique au sujet du « principe de mutualisation par l'impôt » et en prévoyant de « faire payer directement l'usager » pour les contrôles sanitaires, les services consulaires ou encore les transports. Ces derniers, fait remarquer le CAP22, « créent des coûts élevés pour les pouvoirs publics » or, « on peut choisir le covoiturage (…). Il n'est donc pas anormal de demander à ceux qui ne font pas le choix de réduire les coûts qu'ils engendrent pour la société d'en prendre une plus grande partie à leur charge ». L'usager responsabilisé deviendrait ainsi un « client », et, à ce titre, aura le pouvoir de noter la « performance » des services publics.

Des services publics virtuels

Selon le même raisonnement, les zones les plus coûteuses, rurales par exemple, pourraient subir une réduction des services de l'État. Pour l'heure, les préfets ont tous reçu la circulaire de Matignon qui fait écho au rapport du CAP22. Elle annonce l'allègement du périmètre d'action de l'État accompagné d'« aides au départ dans le secteur privé » pour certains agents et d'« un mécanisme d'intéressement aux économies ». Le comité qui préconise d'achever la décentralisation (jeunesse, formation, aménagement du territoire…) et de procéder à nouveaux transferts de compétences (logement, énergie, ferroviaire…) prévoit le maillage du territoire via des « lieux d'accueil uniques » pourvus de « nouvelles offres de services mutualisés » notamment l'accès aux soins, élément de la restructuration de l'organisation du système de soins qui prétend « désengorger l'hôpital ».

Se profile ainsi, derrière une politique d'austérité qui ne dit pas son nom, un service public virtuel. La CGT qui estime que la fonction publique doit effectivement se transformer « pour répondre aux besoins contemporains de la population, de la société » porte de tout autres propositions. Elles sont fondées sur un modèle de société solidaire où le service public, auquel les Français sont attachés, peut continuer d'assurer le lien d'autant plus important entre les citoyens que le tissu social se déchire.

NVO septembre 2018Numéro spécial : Services publics, notre bien commun
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