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JUSTICE

Uber l’arroseur arrosé

29 juin 2016 | Mise à jour le 13 février 2017
Par | Photo(s) : Bertrand Guay/AFP
Uber l’arroseur arrosé

Les déboires judiciaires d'Uber s'accumulent. En toile de fond de l'audience du 22 juin, l'émergence d'émules d'Uber et de nouveaux procès en ubérisation.

Déjà condamnée, il y a quelques mois à 150 000 euros d'amende pour pratique commerciale trompeuse avec son service UberPop présenté « en parfaite mauvaise foi » comme du « covoiturage urbain », Uber était jugé, le 9 juin, pour infraction à la loi Thévenoud de 2014.

« Nous sommes dans une véritable bataille politique, le candidat c'est Uber, et notre adversaire, c'est un c***d nommé taxi », indiquait Taris Kalanik, le patron d'Uber U.S. il y a quelques années. Des propos qui n'ont pas trouvé d'écho dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Paris, où se déroulait le énième procès contre la société Uber France.

Petit rappel : en réponse à la fronde des taxis contre Uber engagée depuis 2014, le parlement a fini par légiférer afin de répartir équitablement le marché du transport de personnes entre compagnies de taxis et sociétés de VTC (véhicules de transport avec chauffeur).

Contestant ces dispositions légales auprès du Conseil constitutionnel, la société Uber a poursuivi son activité, malgré l'injonction de suspendre son service UberPop qui n'a été désactivé qu'en juillet 2015. Si bien qu'en janvier dernier, Uber était condamnée à verser 1,2 million d'euros à l'UNT (union nationale des taxis), la plaignante, au titre d'une liquidation d'astreinte.

En avril dernier, Uber essuyait également les poursuites judiciaires engagées contre elle par l'Urssaf afin de requalifier ses chauffeurs en salariés et pour rappel des cotisations sociales correspondantes.

ACCABLANT

Les mêmes délits produisant souvent les mêmes peines, Uber vient donc d'écoper d'une nouvelle condamnation pour « complicité d'exercice illégal de la profession de taxi » et pour « organisation illégale d'un système de mise en relation de clients » avec des chauffeurs non professionnels et à titre onéreux. L'amende infligée est significative : 800 000 euros, dont la moitié avec sursis qui ne seront exigibles qu'en cas de récidive d'Uber durant une période de 5 ans.

De plus, le tribunal a ordonné la publication sur le site d'Uber du rendu de ce jugement. Un jugement accablant qui souligne les « violations réitérées et durables » de la loi par les prévenus, les « incidents sur la voie publique » entraînés par la désorganisation du secteur ainsi que les « condamnations de nombreuses personnes » incitées à s'improviser en chauffeur illégal.

Désormais rodée aux arcanes du système judiciaire, la société Uber a fait appel du jugement du 9 juin, ce qui rend suspensive l'exécution de la peine, y compris de la condamnation à la publication du jugement sur le site.

UBER CONTRE L'UBERISATION

Dans ce contexte d'uberisation du marché et de succession de procès en résistance à l'uberisation, le « vieux » monde n'a visiblement pas encore dit son dernier mot. Cet acharnement à uberiser la société aux forceps a pris une tournure cocasse, le 22 juin dernier, jour d'audience au TGI de Paris contre la énième plate-forme de transport entre particuliers.

Sur le banc des accusés, Heetch, une application pour smartphone de « ride-sharing » – entendre par là, « partage de voiture » – qui cible les jeunes noctambules des grandes villes entre 20 heures et 6 heures du matin. Cet émule « frenchy » d'Uber qui s'est lancé en 2013, un an avant l'arrivée en France de l'impétrant américain, se voit à son tour accusé des mêmes délits pour lesquels Uber est régulièrement condamnée : complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels…

Face à l'afflux massif de chauffeurs qui se sont portés partie civile, le président du tribunal a dû renvoyer l'audience en décembre, mais l'histoire n'est pas finie.

HARO SUR HEETCH

À sa décharge, Heetch avance que son application relève strictement de « l'économie collaborative » et du « transport non onéreux entre particuliers » : le tarif de la course est théoriquement libre et les revenus annuels des « chauffeurs » ne peuvent dépasser le plafond de 6 000 euros, auquel cas, Heetch préconise à ses « transporteurs » de basculer en VTC moyennant une formation de chauffeur professionnel. Les trajets sont exclusivement nocturnes et s'effectuent entre les centres-ville et les banlieues, là où il n'existe pas ou peu d'offres de taxis et de VTC.

Autant de singularités qui font dire au jeune fondateur de Heetch que son application est d'utilité publique, ce qui fait sortir de leurs gonds taxis et VTC. Très inquiets de la montée en puissance de la start-up, les ennemis jurés taxis et VTC, Uber en tête de peloton, s'accordent pour accuser Heetch de… concurrence déloyale, rien de moins. Ainsi, tel est pris qui croyait prendre à son propre piège.